Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/33

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

Après bien des tentatives infructueuses, il réussit enfin à se mettre en rapports avec le roi des Khazars. Une ambassade du roi slavon Hunu arriva un jour à Cordoue. Deux Juifs l’accompagnaient en qualité d’interprètes. Ceux-ci purent donner à Hasdaï des informations précises sur les Khazars et se chargèrent de faire parvenir sa missive au roi de ce peuple par l’intermédiaire de leurs coreligionnaires de Hongrie, de Galicie et de Bulgarie. Hasdaï remit aux deux Juifs slavons sa lettre pour le roi des Khazars. Cette épître, écrite en prose hébraïque, avec un exorde en vers, et rédigée par Menahem ben Sarouk, est un document très important pour l’histoire du temps et la connaissance du caractère de Hasdaï. On y reconnaît la vive piété de Hasdaï, son esprit politique, sa modestie en même temps que la conscience de sa valeur et même une certaine vanité naïve.

L’espoir de Hasdaï se réalisa. Sa lettre fut remise au chagan Joseph par un homme du pays de Némez (Allemagne), appelé Jacob ben Éléazar. Joseph était le onzième des princes juifs qui régnaient sur les Khazars depuis Obadia, le fondateur du judaïsme dans ce pays. À cette époque (vers 960), l’État des Khazars était encore assez puissant, bien qu’il eût perdu plusieurs provinces et contrées vassales. Le chagan Joseph avait sa résidence dans une île du Volga. C’était un palais somptueux, sous forme de tente, avec une porte en or.

Obligés de se défendre sans cesse contre l’ambition des Russes, qui désiraient vivement conquérir le pays des Khazars, les chagans entretenaient une armée permanente. Vers le (xe siècle, ils avaient près de douze mille soldats réguliers, tant archers à cheval avec casque et cuirasse que fantassins munis de lances. Aussi le vieil empire byzantin, sur son déclin, considérait-il le pays des Khazars comme une grande puissance et qualifiait-il le chagan du titre de « noble et sérénissime ». Pendant que les pièces diplomatiques adressées par les empereurs byzantins au pape et aux empereurs d’Occident étaient scellées avec une bulle d’or ne pesant que deux soldi, cette bulle en pesait trois quand elle était attachée à des documents destinés au roi des Khazars. Pour qui connaît l’étiquette minutieuse de la cour de Byzance, cette petite différence en faveur des Khazars est le témoignage d’un profond respect.