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Les chagans s’intéressaient beaucoup aux Juifs des autres pays, ils exerçaient des représailles contre les peuples qui les persécutaient. Un jour, un chagan apprit que les musulmans avaient détruit une synagogue dans le pays de Baboung. Aussitôt il fit démolir dans sa capitale le minaret d’une mosquée et exécuter les muezzin (921). La crainte d’exciter davantage la colère des musulmans contre les Juifs l’empêchait seule, dit-il, d’ordonner la destruction de toutes les mosquées de son empire.

Ces sentiments de bienveillance pour les Juifs des divers pays se retrouvaient chez tous les princes des Khazars. On comprend donc avec quelle satisfaction le chagan Joseph reçut la lettre de Hasdaï. Comme les Khazars comprenaient l’hébreu et se servaient, pour leur correspondance, de caractères hébreux, le chagan répondit dans cette langue à Hasdaï. Il lui exprimait toute la joie que lui avait causée sa missive, mais il détruisait son illusion sur l’origine des Khazars. Ceux-ci n’étaient pas, comme le croyait Hasdaï, des débris d’anciennes tribus juives, mais des païens convertis au christianisme. Le chagan raconte ensuite, dans sa réponse, la conversion de son ancêtre Boulan, mentionne les noms, tous hébreux, des successeurs de ce souverain, indique l’étendue de son pays et décrit les peuples qui lui sont soumis. Il continue ainsi : « Pas plus que vous, nous n’avons de données certaines sur l’époque de la délivrance messianique. Nos regards sont dirigés vers Jérusalem et les académies de Babylone. Plaise au ciel que nous soyons bientôt délivrés ! D’après ta lettre, tu désirerais me voir ; de mon côté, je voudrais te rendre visite et connaître ta sagesse. Si ce vœu pouvait se réaliser, si je pouvais te parler face à face, je te vénérerais comme un père, je serais pour toi un fils dévoué et je te confierais la direction de mon État. »

À ce moment, Joseph était encore puissant. Quelques années plus tard, la situation se modifia. Un des descendants de Rurik, le prince russe Swiatislaw, de Kiew, marcha contre le pays des Khazars et conquit sur la frontière la forteresse de Sarkel (965). En 969, il s’empara de la capitale Itil (Atel) et de la ville importante de Semender. Une partie des Khazars se réfugia dans une île de la mer Caspienne, une autre partie à Derbend et dans la Crimée, qui prit le nom de pays des Khazars, avec Bosporus (Kertsch) pour capitale.