Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/332

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prédécesseurs, et il eut le courage de démolir l’édifice considérable élevé par Maimonide d’après les principes d’Aristote. Il porta aussi des coups sensibles à la philosophie scolastique, dont il connaissait toutes les subtilités.

Dans la pensée de Crescas, la philosophie de son temps était engagée dans une voie difficile et dangereuse, tandis que le judaïsme était établi sur des fondements inébranlables, et il défendait ardemment sa religion contre les objections des philosophes. Comme il attribuait à Dieu une omniscience sans limites, il fut amené à émettre une assertion assez téméraire, à savoir que l’homme n’est pas absolument libre dans ses actes, que tout ce qui arrive est l’effet nécessaire, fatal, d’une cause, et que chaque cause, y compris la cause première, a forcément ses conséquences. Pour lui, la volonté de l’homme n’est pas libre, mais ses trouve forcément influencée par un ensemble de causes et d’effets antérieurs. Et pourtant il admet que les hommes méritent des récompenses et des punitions, même s’ils ne sont pas tout à fait libres, parce que, selon lui, le mérite ou le démérite ne dépend pas de l’acte, mais de l’intention. Quoique le bien ou le mal que nous accomplissons soit la conséquence forcée d’un ensemble de circonstances indépendantes de la volonté humaine, nous méritons quand même une récompense ou un châtiment, selon Crescas, pour la pensée que nous avons eue d’être bons ou méchants.

Enfin, pour notre philosophe, le bien suprême que doit poursuivre l’homme et qui est la raison d’être de la création, c’est la perfection morale ou la félicité éternelle, bien qu’il peut atteindre en éprouvant pour Dieu un amour sincère. Cet amour naît dans le cœur humain sous l’influence de toute religion, et surtout du judaïsme. Hasdaï Crescas qui, le premier, établit une distinction entre la religion en général et les religions particulières, comme le judaïsme et le christianisme, réduisit les treize articles de foi de Maimonide à `huit, prétendant avec raison que ce dernier a compté comme articles de foi spéciaux au judaïsme des vérités admises par toutes les religions.

À côté de Profiat Duran et de Hasdaï Crescas, il faut encore mentionner un autre écrivain juif, Meïr Alguadès, grand-rabbin