Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/337

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absolue. Ce qui le grandissait encore aux yeux de la foule, c’est qu’il avait abandonné une situation élevée à la cour papale pour parcourir le pays pieds nus, en simple moine flagellant. Malheureusement, par une vraie aberration de l’esprit, Vincent Ferrer croyait sauver l’humanité en prêchant la violence et le meurtre.

Au lieu de s’attaquer aux abus qui régnaient alors dans l’Église, comme l’avaient fait Wiclef et d’autres réformateurs, Ferrer tourna toute sa colère contre les Juifs et les hérétiques. Par la plume et la parole il entreprit une croisade implacable contre les Juifs, et la continua pendant de nombreuses années. Il dirigea d’abord ses attaques contre les nouveaux chrétiens, qu’il accusait de n’être pas assez fervents. Dans la crainte de se voir appliquer le terrible châtiment réservé aux relaps, peut-être aussi en partie sous l’impression de l’éloquence enflammée du dominicain, bien des Marranes firent publiquement pénitence. Encouragé par ce premier succès, qui lui apparaissait comme un triomphe sérieux pour l’Église, Ferrer espérait réussir à amener tous les Juifs au christianisme. Il jouissait d’une très grande influence auprès des rois d’Espagne, parce que plus d’une fois, pendant les temps de troubles et de guerres civiles, il était parvenu à apaiser des émeutes populaires par la seule action de l’autorité qu’il exerçait sur la foule. Il lui ! ut donc facile d’obtenir de la famille royale l’autorisation de prêcher dans les synagogues et les mosquées, et de contraindre Juifs et musulmans à venir écouter ses prédications. La croix à la main et un rouleau de la Loi sur le bras, au milieu d’une escorte de flagellants et d’hommes d’épée, il invitait les Juifs, d’une voix terrible, à accepter le baptême.

Son action néfaste ne tarda pas à se faire sentir parmi les Juifs de Castille. Peu de temps après son apparition à la cour (1412), la régente Donna Catalina, d’accord avec l’infant Don Ferdinand et Paul de Santa-Maria, promulgua, au nom de l’enfant-roi Juan II, un édit en vingt-quatre articles destiné à appauvrir les Juifs, à les humilier et à les abaisser, et à provoquer ainsi leur conversion au christianisme.

Eu vertu de cet édit, ils étaient dorénavant obligés de demeurer dans des quartiers spéciaux (juderias), qui ne pouvaient avoir qu’une seule porte pour l’entrée et la sortie ; il leur était interdit