d’exercer des professions manuelles, de pratiquer la médecine, d’avoir des relations d’affaires avec les chrétiens, de prendre des chrétiens à leur service, même pour le jour de sabbat, et d’occuper un emploi public quelconque. On leur enleva leur juridiction particulière. Quelques articles de l’édit réglaient la façon dont ils devaient s’habiller. Ils ne pouvaient plus porter le costume du pays ni se revêtir d’étoffes riches, sous peine d’une amende considérable ; en cas de récidive, ils s’exposaient à un châtiment corporel et même à la confiscation de leurs biens. Le port des armes leur fut également défendu. Par contre, le port de la rouelle, en étoffe rouge, était très rigoureusement exigé. Un Juif se faisait-il enlever la barbe ou couper les cheveux un peu court, il était puni de cent coups de lanière. Il lui était enfin interdit de se laisser donner par écrit ou verbalement le titre de Don (Monsieur), ou de quitter une ville pour aller s’établir dans une autre. Les malheureux Juifs n’avaient pas même la faculté de se dérober par l’émigration à ces humiliations. Ceux qu’on surprenait en train d’émigrer perdaient tous leurs biens et devenaient serfs du roi. La noblesse et la bourgeoisie étaient menacées de sévères châtiments dans le cas où elles accorderaient leur protection à un Juif.
Cet édit, dont la cruauté raffinée laisse deviner encore une fois l’intervention de l’apostat Paul de Santa-Maria, fut exécuté avec la plus stricte rigueur. Un contemporain, Salomon Alami, en décrit les effets désastreux : Les riches habitants des palais, dit-il, sont confinés dans des coins obscurs, dans de misérables huttes. On nous force de remplacer nos somptueux et élégants vêtements par des guenilles, pour nous vouer au mépris et à la raillerie. Nous ne pouvons plus nous faire couper la barbe, et nous avons l’air de gens en deuil. Les personnages considérables qui avaient la ferme des impôts sont réduits à la pauvreté, parce qu’ils ne connaissent aucun métier qui leur permette de gagner leu : vie. Les ouvriers eux-mêmes ne peuvent plus se nourrir. La misère est générale. Des enfants meurent sur le sein de leur mère, faute de nourriture.
Telle était la situation des Juifs quand Ferrer commença à prêcher le christianisme dans les synagogues, affirmant à ses auditeurs