Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/35

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

À partir de cette époque, les Khazars ne formèrent plus qu’un État secondaire ; Joseph fut le dernier de leurs souverains puissants.

Quand Hasdaï reçut la missive du chagan Joseph, le khalife Abdul Rahman était mort. Son fils et successeur Alhakem, protecteur très zélé de la science et de la poésie, mais ennemi de la guerre, laissa Hasdaï dans les fonctions qu’il avait occupées jusque-là et le traita, comme l’avait fait son père, avec beaucoup d’égards.

Stimulé par l’exemple de ses deux maîtres Abdul Rahman et Alhakem, Hasdaï protégeait les savants et les poètes juifs, et c’est à lui principalement que revient le mérite d’avoir implanté la civilisation juive en Espagne. Parmi les hommes de talent qu’il appela auprès de lui, les plus remarquables étaient sans contredit Menahem ben Sarouk et Dounasch ben Labrat. Tous les deux ont approfondi l’étude de la langue hébraïque et grandement enrichi et ennobli cette langue. Ils ont dépassé de beaucoup, dans cette voie, leurs prédécesseurs, notamment les grammairiens caraïtes et même Saadia.

Dounasch ben Labrat donna à la langue sainte une harmonie et une symétrie qu’elle ne connaissait pas auparavant, il introduisit, dans l’hébreu le mètre, la strophe et une richesse d’assonances que personne ne soupçonnait avant lui. Saadia le blâma de ce qu’il appelait une innovation inouïe et lui reprocha de faire violence à la langue.

En même temps que la forme, le fond de la poésie hébraïque subit également de profondes modifications. Jusqu’alors la poésie hébraïque était restée purement synagogale, elle avait des allures contrites de pénitente, sans jamais être égayée par un sourire. Même quand elle s’élevait jusqu’à l’hymne, elle restait austère, inégale et prolixe. Kaliri était son modèle. Dans les écrits didactiques et polémiques, elle descendait à une plate vulgarité, comme dans les œuvres de Salmon ben Yeruham, d’Abou Ali Yephet, de Ben-Ascher et de Sabbataï Donnolo. Hasdaï fournit à la poésie l’occasion de varier ses thèmes. Son extérieur imposant, sa situation élevée, ses talents, sa générosité enflammaient l’imagination des poètes. En le célébrant dans des vers d’un lyrisme élevé, ils rajeunissaient la langue hébraïque, qui paraissait déjà morte, et lui donnaient de la