Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/354

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règne du faible, mais généreux, roi Juan II, grâce à la bienveillance que leur témoignait le chancelier Alvaro de Luna, favori ou plutôt protecteur du souverain. Alvaro comptait beaucoup sur la prudence, l’activité et l’habileté financière des Juifs pour l’aider à mettre fin aux dissensions intestines de la Castille, à réprimer la révolte de la haute noblesse contre le roi et à faire renaître le bien-être dans le pays. Parmi ses conseillers, un des plus écoutés était certainement Abraham Benveniste. Dès que le roi fut devenu majeur et se sentit délivré des intrigues du conseil de régence (1432), Alvaro l’engagea à laisser tomber en désuétude toutes les lois restrictives édictées contre les Juifs. Abraham Benveniste, aussi remarquable par sa fortune que par son intelligence et l’élévation de ses sentiments, fut placé par Juan II à la tête de ses coreligionnaires castillans en qualité de grand-rabbin et juge suprême ; il fut également autorisé à exercer la juridiction pénale à l’égard des membres indignes et des délateurs qui pourraient se rencontrer dans les communautés. On sait que cette juridiction avait été enlevée aux tribunaux juifs, cinquante ans auparavant, par Juan Ier.

Appuyé par la faveur royale, Benveniste se mit immédiatement à l’œuvre pour mettre fin au désordre qui régnait dans les communautés, entièrement désorganisées à la suite des massacres et des conversions forcées. Avec l’autorisation du souverain, il convoqua à Valladolid des rabbins et des laïques notables, et rédigea avec leur concours, dans le palais du prince, un règlement (1432) qui fut ratifié par Juan II et acquit ainsi force de loi pour tous les Juifs de Castille. Dans ce règlement, il introduisit des articles relatifs à la restauration des écoles talmudiques ruinées par les persécutions, à la création d’écoles primaires et à la nomination de juges et de rabbins pour les diverses communautés. Il y énonce aussi les mesures à prendre contre l’immoralité et surtout la délation, y indique la façon de recueillir et de répartir les impôts dus par les communautés, et y interdit à ses coreligionnaires, surtout aux femmes, de porter des vêtements luxueux et de nombreux bijoux, pour ne plus attirer sur eux, comme cela est arrivé maintes fois auparavant, l’envie et la colère de la population chrétienne.