Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/355

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Abraham Benveniste réussit à relever les courages abattus, mais dans le domaine intellectuel, ses efforts demeurèrent en grande partie infructueux. Malgré tout son zèle, il ne parvint pas à revivifier les études talmudiques. La poésie néo-hébraïque également, qui avait fleuri avec tant d’éclat en Espagne, resta fade et incolore. Elle n’eut, du reste, à cette époque que peu de représentants, dont on tonnait Salomon Dafiera, Don Vidal Benveniste, le principal orateur juif du colloque de Tortose, et Salomon Bonfed. Ce dernier qui, comme poète, était le mieux doué des trois, avait pris pour modèle Ibn Gabirol. Mais s’il était susceptible et se croyait victime de la destinée comme Ibn Gabirol, il ne possédait qu’une bien petite partie de son admirable talent poétique.

En ce temps, l’activité littéraire des Juifs se concentrait presque tout entière sur un seul point, la défense du judaïsme contre les attaques de l’Église. Pour raffermir la foi des faibles parmi les Juifs d’Espagne et d’autres pays, et pour les prémunir contre les arguments spécieux des convertisseurs, les penseurs juifs estimaient de leur devoir de proclamer publiquement l’inébranlable fermeté de leurs convictions. Plus l’Église multipliait ses pièges et faisait d’efforts pour prendre les Juifs dans ses filets, plus on s’armait d’énergie et de sage prudence dans le camp juif pour ne pas se laisser dérober par ruse l’ancien patrimoine des aïeux. Il fallait avant tout faire connaître aux ignorants et aux esprits peu clairvoyants les différences existant entre les dogmes juifs et les dogmes chrétiens. Aussi les prédicateurs juifs développaient-ils bien plus souvent qu’auparavant, dans leurs sermons, le dogme de l’unité de Dieu, montrant que l’Église n’entendait nullement ce dogme de la même façon que la Synagogue. De là, la naissance de toute une littérature polémique ayant pour but de plaider la cause du judaïsme, d’appeler l’attention des Juifs sur les agissements des agents de prosélytisme, peut-être aussi de réveiller et de maintenir le remords dans la conscience des nouveaux convertis qui ne s’étaient faits chrétiens que pour échapper à la mort.

Ces écrits étaient consacrés, pour la plupart, à la réfutation de certaines attaques, venant surtout d’apostats, qui avaient l’odieux courage d’outrager leurs anciennes croyances et leurs anciens coreligionnaires. C’est ainsi qu’autrefois le parti juif hellénisant