Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/364

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À ce moment surtout, il était impérieusement commandé aux Juifs de s’armer de fermeté, car une nouvelle ère de luttes et de dangers allait s’ouvrir pour eux dans la péninsule ibérique, amenée par des calomniateurs sortis d’Israël même. De misérables renégats, parvenus aux plus hautes dignités, qui ressentaient pour les Juifs et le judaïsme une haine plus violente encore que les chrétiens, voyaient avec colère leurs anciens coreligionnaires de Castille jouir de la faveur du roi et surtout du chancelier Alvaro de Luna. Des Juifs notables, tels que Joseph ibn Schem Tob, Abraham Benveniste, Joseph Naci, étaient accueillis avec bienveillance à la cour et chargés, comme au beau temps de leur splendeur, d’administrer les finances de l’État ; des médecins juifs étaient consultés par des chrétiens, en dépit des défenses répétées des papes, des conciles et des princes, et Juifs et chrétiens entretenaient de nouveau entre eux de bonnes relations. Cette situation déplaisait aux apostats, et principalement aux fils de Paul de Santa-Maria, qui avaient hérité de leur père son ambition, son astuce, son esprit d’intrigue et sa haine des Juifs. Grince à leur intelligence remarquable et aux emplois élevés qu’ils occupaient, ils formaient une vraie puissance avec leurs oncles et leurs cousins ; la famille était ordinairement désignée sous le nom de Cartagena. L’aîné des fils, Gonzalo de Cartagena, avait succédé à son père comme évêque de Burgos et fut envoyé comme délégué castillan au concile de Bâle. Le deuxième, Alfonso de Cartagena, était doyen de Santiago et Ségovie ; le troisième, Pedro, était chevalier de la garde royale et honoré de plusieurs distinctions militaires, et le plus jeune, Alvar Sanchez, c’était un magistrat influent. Leurs oncles, Pedro Suarez et Alvar Garcia, qui avaient abjuré en même temps que leur père, occupaient également des postes importants.

Cette coterie détestait cordialement le chancelier Alvaro de Luna, non seulement parce qu’il se montrait équitable pour les ; Juifs, mais aussi parce qu’il avait toujours réprimé avec la plus grande énergie les intrigues qu’elle n’avait cessé de fomenter contre le roi Don Juan en faveur des infants, du roi d’Aragon et de ses frères. Plus d’une fois, ils avaient essayé de faire tomber Alvaro du pouvoir. Comme ils ne réussirent pas dans leur propre pays à