Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/368

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mesure quelconque contre les Juifs, et il exprime l’espoir que le pape fera connaître d’une façon claire et précise la conduite que les chrétiens peuvent et doivent tenir à leur égard.

Cette intervention habile d’Alvaro de Luna pour faire échouer leurs desseins irrita vivement le groupe des nouveaux chrétiens qui haïssaient les Juifs, et, dans leur colère, ils complotèrent la mort du ministre castillan. Les événements allaient leur prouver que, malgré leur conversion, eux aussi, comme leurs anciens coreligionnaires, étaient sans cesse en danger. Grisés par leur situation brillante ou leurs richesses, beaucoup d’entre eux montraient un orgueil de parvenu, s’attirant par leur arrogance présomptueuse l’envie et la haine des anciens chrétiens. Ce sentiment de malveillance se fit jour ; pour la première fois, à Tolède, où, à la. faveur de troubles, plusieurs nouveaux chrétiens des plus considérables furent tués et attachés à une potence (1449). Alvaro fit semblant de marcher sur Tolède avec le roi pour punir les promoteurs de l’émeute, mais, en réalité, il ne châtia pas les coupables et ne prit aucune mesure pour mieux protéger les nouveaux chrétiens.

Encouragés par la molle attitude d’Alvaro devant ces désordres, les notables chrétiens de Tolède formèrent une ligue pour exclure les nouveaux chrétiens de tout emploi laïque ou ecclésiastique. Son content de ce premier succès, remporté sur ceux qui n’avaient cessé de méditer sa chute, Alvaro dressa contre eux un réquisitoire qui servit à porter des coups terribles, non pas à ceux qui étaient personnellement visés dans cet acte d’accusation, mais à leurs descendants. À son instigation, le roi écrivit, en effet, au pape Nicolas V (1451) que bien des nouveaux chrétiens, laïques et ecclésiastiques, moines et religieuses, pratiquaient en cachette les rites juifs et se moquaient de la religion chrétienne. Ému de ces dénonciations, le pape ordonna, par un bref (1451), à l’évêque d’Osma et aux professeurs dominicains de l’Université de Salamanque, de faire comparaître devant un tribunal spécial les Marranes soupçonnés de judaïser. Les inculpés, quelque haute que fût leur situation, fussent-ils même évêques, devaient comparaître devant ce tribunal, se justifier, et, s’ils étaient reconnus coupables, être dépouillés de leurs biens et de leurs dignités et livrés au bras séculier pour être mis à mort.