Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/377

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pouvait rien faire sans l’appui de l’évêque Zbigniew. Force lui fut donc de sacrifier les Juifs. Dans tout le pays, des crieurs publics annoncèrent que tous les privilèges des Juifs étaient abolis, parce que les mécréants ne devaient pas être mieux traités que les adorateurs du Christ, ni les serviteurs plus honorés que les fils de la maison. Capistrano avait enfin triomphé même en Pologne, où jusqu’alors les Juifs avaient pu vivre tranquilles. Ceux-ci informèrent leurs coreligionnaires d’Allemagne de cette calamité, se lamentant de ce que sur eux aussi le moine eût réussi à faire fondre le malheur, et cela dans cette Pologne qui, auparavant, offrait un refuge assuré aux persécutés des autres contrées. Les Juifs d Allemagne ne pouvaient rien en leur faveur, mais il survint alors un événement qui eut pour eux des conséquences favorables.

Cet événement, qui fit trembler toute la chrétienté, fut la prise de Constantinople (29 mai 1453) par le conquérant turc Mahomet II, et la destruction de l’empire byzantin. Le vainqueur infligea aux vaincus toute sorte d’humiliations, de tourments et de supplices. Mais si l’on songe que depuis Constantin, fondateur de l’empire byzantin, jusqu’au dernier monarque, Constantin Dragossès Paléologue, tous les souverains de Byzance, sauf l’apostat Julien, avaient manifesté un orgueil démesuré, des sentiments de dissimulation et d’hypocrisie, et une ardeur excessive de persécution ; que le peuple et les dignitaires de l’Église et de l’État s’étaient montrés dignes de leurs maîtres ; que c’est dans la législation byzantine que les peuples germains, romans et slaves et les représentants de l’Église avaient puisé ce principe odieux qu’il fallait avilir et même exterminer les Juifs ; si l’on songe à toutes les iniquités accomplies dans cet empire pendant son existence de dix siècles, les souffrances qu’il eut à subir après la défaite peuvent être considérées comme un châtiment mérité.

Après s’être emparé de Constantinople, Mahomet II se disposa à marcher contre d’autres pays européens. La chrétienté courait un grand danger. Le pape Nicolas V, comprenant bien la gravité de la situation, aurait voulu réunir tous les peuples et les princes chrétiens dans une action commune et énergique contre les Turcs. Mais, à ce moment, la papauté n’avait plus son prestige