Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/386

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troubles populaires, la foule tua plus de cent trente Marranes ; ceux qui voulurent se défendre furent pendus. Six cents maisons de Marranes furent brûlées.

Mais des maux plus grands encore atteignirent les Juifs et les Marranes après le mariage de l’infante Isabelle, surnommée plus tard la Catholique, avec l’infant Don Ferdinand d’Aragon. Les Juifs et les Marranes ne furent pas tout à fait étrangers à la conclusion de cette union, qui eut des conséquences si malheureuses pour eux et pour l’Espagne. La vraie héritière du trône était l’infante Jeanne, fille du roi Henri IV. Mais, comme son vrai père était un certain Beltran, favori de la reine, le roi, qui avait d’abord reconnu Jeanne comme sa fille, se décida, sur les instances de son entourage, à la désavouer et à désigner sa sœur Isabelle pour lui succéder. Celle-ci, tout en ayant promis de ne se marier qu’avec le consentement de son frère, épousa quand même l’infant Ferdinand, pour qui Henri IV avait toujours ressenti une profonde antipathie. Elle avait été aidée dans l’accomplissement de son projet par un Juif habile et riche, Don Abraham Senior.

Abraham Senior était intervenu dans cette affaire, parce qu’il pensait que le mariage de Ferdinand avec Labelle aurait d’heureuses conséquences pour les Juifs. On racontait, en effet, que la bisaïeule de l’infant Ferdinand était une Juive, Paloma, femme d’une grande beauté, que son bisaïeul Frédéric Henriquez, amiral de Castille, avait séduite et dont il avait eu un fils, qu’il avait reconnu, élevé et fait nommer plus tard à la dignité d’amiral. Ce fils lui-même, enfant d’une Juive, eut une fille, Jeanne Henriquez, qui devint la seconde femme du roi Juan Il d’Aragon, et mit au monde l’infant Ferdinand. Comme ce prince avait du sang juif dans les veines, Abraham Senior espérait naturellement qu’il se montrerait bienveillant pour les Juifs. Un Marrane, Don Pedro de la Caballeria le jeune, qui s’appelait autrefois Salomon, aida également à aplanir les difficultés que rencontrait l’union de Ferdinand avec Isabelle, et il offrit à cette dernière, comme cadeau de fiançailles, un magnifique collier et une forte somme d’argent. Enfin, le mariage conclu, Don Abraham réussit à réconcilier le roi avec sa sœur. Pour témoigner sa reconnaissance à Don Abraham, Isabelle lui assura un traitement annuel considérable à