Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/387

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

prendre sur les revenus de ses propres biens. Les Juifs ne se doutaient pas alors que ce couple royal leur infligerait de si terribles épreuves.

Au début même du règne de Ferdinand et d’Isabelle, des excès se produisirent contre les Juifs. Les habitants de Sepulveda, petite ville située prés de Ségovie, accusèrent les Juifs de la localité d’avoir martyrisé et tué un enfant chrétien, pendant la semaine sainte (1471), à l’instigation de leur rabbin, Salomon Pichon. Sur l’ordre de l’évêque, Juan Arias Davila, fils du ministre marrane Diego Arias Davila, huit des accusés, ceux qu’on considérait comme les plus coupables, furent amenés à Ségovie et condamnés les uns à être brûlés, les autres à être pendus ou étranglés. Cette exécution ne parut pas un châtiment suffisant à la population de Sepulveda, qui se jeta sur les Juifs et les tua presque tous sans pitié. La légende de l’enfant martyrisé par les Juifs se répandit rapidement à travers l’Espagne et trouva partout créance.

À Cordoue, ce furent les Marranes qu’on massacra. Il s’était formé (en 1473) dans cette ville une confrérie pieuse, placée sous la protection de la Vierge, et d’où les Marranes étaient exclus. À l’occasion d’une procession organisée par cette confrérie, les maisons et les rues de Cordoue furent décorées de fleurs et de tapis, mais les Marranes ne prirent aucune part à cette fête. Cette abstention était déjà considérée comme outrageante pour la Vierge. Il y eut plus. Par un malheureux hasard, une jeune fille marrane répandit de l’eau dans la rue, pendant la procession, et quelques gouttes de cette eau atteignirent l’image de la Vierge. Aussitôt les Marranes furent accusés d’avoir souillé l’image divine par un liquide malpropre, leurs maisons furent livrées aux flammes et la plupart d’entre eux tués ; le reste s’enfuit de la ville.

Les Juifs d’Espagne étaient assez perspicaces et avaient déjà acquis assez d’expérience pour se rendre promptement compte qu’avec le temps, leur situation deviendrait intolérable. Aussi tournèrent-ils leur pensée vers les pays d’Europe où leurs coreligionnaires étaient alors traités avec le plus d’équité, vers l’Italie et la Turquie. En Italie, la population voyait de trop prias les faiblesses de la papauté et du clergé pour s’émouvoir sérieusement des défenses de l’Église et des prêtres. Du reste, les relations commerciales