que les républiques de Venise, Florence, Gènes et Pise entretenaient avec le monde entier avaient fait disparaître, en partie, toute étroitesse d’esprit chez les habitants, et élargi les idées. On savait apprécier la fortune et l’intelligence de ceux même qui ne professaient pis le culte catholique. C’est que non seulement les marchands, mais aussi les princes, grands et petits, avaient besoin d’argent pour payer les condottieri et les mercenaires à leur solde. On se montrait donc très tolérant, en Italie, envers les Juifs, qui possédaient de grands capitaux et étaient d’habiles conseillers. Aussi, quand la ville de Ravenne, désireuse d’être rattachée à la république de Venise, lui soumit ses conditions, demanda-t-elle, entre autres, qu’on lui envoyât des Juifs riches pour organiser un mont-de-piété et aider ainsi à soulager la misère de la population.
Dans bien des villes italiennes, les princes ou le sénat dirigeant autorisèrent des Juifs à ouvrir des banques et à faire le commerce d’argent. En 1476, l’archevêque de Mantoue déclara, au nom du pape, qu’il était permis aux Juifs de prêter à intérêt. Yehiel, de Pise, possédait assez de capitaux pour être maître du marché d’argent de Toscane. Les écrivains ecclésiastiques le représentent comme un homme sans cœur, âpre au gain ; c’est une calomnie. Yehiel avait des sentiments généreux et se montrait toujours disposé à venir en aide aux malheureux, en parole et en action. Quand, après s’être emparé des villes africaines d’Arcilla et de Tanger, Alphonse V, roi de Portugal, eut amené dans son royaume des prisonniers juifs parmi les captifs qu’il avait frits, les Juifs de Portugal s’empressèrent de racheter leurs coreligionnaires. Hais les communautés ne disposant pas de ressources suffisantes pour les entretenir jusqu’à ce qu’ils fussent en état de gagner eux-mêmes leur vie, Yehiel, sur la demande d’Abrabanel, recueillit des secours en Italie. D’ailleurs, Yehiel, qui était très versé dans la littérature hébraïque et s’y intéressait beaucoup, entretenait des relations amicales avec Isaac Abrabanel, le dernier homme d’État juif de la péninsule ibérique.
Les médecins juifs étaient également tris considérés en Italie ; car on trouvait peu d’habiles médecins chrétiens dans ce pays, quoiqu’il y eût de longue date une école de médecine à Salerne,