Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/403

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juger les hérétiques et les relaps ainsi que leurs protecteurs selon les us et coutumes de la vieille Inquisition, et, ce qui importait surtout au souverain, de confisquer les biens des coupables.

Au début, Isabelle essaya d’obtenir des conversions par la douceur. Sur son invitation, l’archevêque de Séville composa un catéchisme à l’usage des Marranes de son diocèse et destiné à leur enseigner les dogmes, usages et sacrements de l’Église. C’était, tout au moins, une naïveté de croire que l’exposition aride d’un catéchisme aurait raison de l’aversion des Juifs convertis pour le christianisme. Aussi de nombreux Marranes persistèrent-ils, selon l’expression ecclésiastique, dans leur aveuglement, c’est-à-dire dans leur fidélité aux croyances de leurs aïeux. Lorsqu’à cette première déception vint s’ajouter, chez la reine, la colère de voir attaquer les pratiques idolâtres du catholicisme et le caractère despotique du gouvernement dans un opuscule publié par un Juif ou un Marrane, elle se montra beaucoup plus disposée à laisser fonctionner un tribunal d’inquisition.

Avant tout, il fallait réfuter le pamphlet, qui avait produit beaucoup d’effet ; c’est ce que fit (en 1480), par ordre supérieur, Fernando de Talavera, confesseur de la reine. Ensuite, après que la commission nommée par Ferdinand et Isabelle pour rendre compte des dispositions religieuses des Marranes eut déclaré qu’ils s’obstinaient dans leurs erreurs, elle fut chargée de rédiger le règlement du nouveau tribunal. Si des démons s’étaient coalisés pour chercher à tourmenter les hommes et à faire de leur vie une longue suite de souffrances, ils n’auraient pas pu inventer un instrument de torture plus perfectionné que celui que les moines fabriquèrent contre les Marranes. Cet instrument, sous forme de statuts, fut agréé par le couple royal, et le tribunal d’inquisition était créé (1480). Il se composa de deux moines dominicains, Miguel Morillo et Juan de San Martino, et d’assesseurs laïques. Reconnu par le pape Sixte IV, il commença à fonctionner à Séville et aux environs, parce que cette région était directement gouvernée par le souverain, sans l’intermédiaire de cortès, et qu’elle renfermait depuis près d’un siècle un grand nombre de Marranes. Tous les fonctionnaires furent invités par une ordonnance royale à accorder leur entier concours aux inquisiteurs.