Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/404

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

Devant l’imminence du danger, les plus influents des Marranes formèrent un complot pour empêcher le fonctionnement de l’Inquisition. On compta parmi les conspirateurs un homme excessivement riche, nommé Diego de Souson, un savant, Juan Fernando Aboulafia, et plusieurs personnes qui étaient à la tête de la police de Séville. Ce complot fut dénoncé par une fille de Souson, qui entretenait secrètement des relations amoureuses avec un chevalier chrétien. À la suite de cette trahison, plusieurs conjurés furent jetés en prison. D’autres arrestations suivirent, et il eut bientôt tant de Marranes arrêtés que les cachots du couvent Saint-Paul en étaient complètement remplis.

Quand l’Inquisition eut été organisée à Séville, bien des nouveaux chrétiens de cette cille se réfugièrent sur le territoire de Medina-Sidonia et de Cadix pour échapper à la persécution, mais là non plus ils ne se trouvèrent pas en sécurité. Car, dès qu’il fut constitué (2 janvier 1481), le tribunal d’inquisition prescrivit, par un édit, à tous les fonctionnaires de livrer les Marranes fugitifs et de mettre leurs biens sous séquestre, menaçant ceux qui ne se conformeraient pas à ses ordres, non seulement de l’ex-communication, mais du châtiment même réservé aux hérétiques. Les arrestations furent si nombreuses que le tribunal dut choisir un autre local, plus vaste, pour y juger tous les inculpés. Il alla siéger dans un château du faubourg de Séville appelé la Tablada. Plus tard, on inscrivit au portail de cet édifice des versets de la Bible dont le choix seul suffit pour montrer la cruauté des juges : Lève-toi, Éternel, rends ton jugement ! — Saisissez pour nous des renards. Tous les fugitifs qu’on arrêtait étaient considérés, sans autre examen, comme des hérétiques.

La chasse aux Marranes fut fructueuse, et le tribunal put ouvrir sa première séance ; le gibier ne manquait pas. Six,Marranes, qui proclamèrent devant leurs juges leur fidélité au judaïsme ou firent des aveux sous l’action de la torture, furent condamnés à mort et brûlés. À cette première exécution, le prieur Alfonso de Ojeda prononça un sermon plein d’onction. Puis vint le tour des conjurés, et, à leur tête, le riche Souson. Il y eut ensuite, chaque jour, tant de victimes que la ville de Séville fut obligée de mettre à la disposition du tribunal une de ses places