Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/410

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nécessaire, de les diriger et de les surveiller, de façon qu’aucun Marrane suspect ne pût se soustraira à son sort et que la population terrorisée renonçât à toute résistance. Ce poste échut à Torquemada. Immédiatement après sa nomination, Torquemada établit trois nouveaux tribunaux dans les villes de Cordoue, Jaén et Villareal, et un autre, un peu plus tard, à Tolède. Dans tous les tribunaux il plaça des dominicains zélés et fanatiques, complètement soumis à sa volonté, et prêts à accomplir, sur son ordre, les plus horribles forfaits avec une parfaite sérénité. C’est surtout sus les bâtiments de l’Inquisition, élevés par Torquemada dans presque toutes les grandes villes de l’Espagne, qu’on aurait pu graver cette inscription placée par Dante à l’entrée de son Enfer : Vous qui pénétrez ici, laissez dehors toute espérance. L’Espagne tout entière se remplit d’une affreuse odeur de prisonniers pourrissant au fond des cachots, de cadavres déterrés et de corps carbonisés ; d’un bout du pays à l’autre retentirent les cris d’angoisse des martyrs. Bien des chrétiens, émus d’une profonde pitié, : L auraient voulu faire cesser ces atrocités, mais les souverains couvraient les bourreaux de leur protection.

Pour affermir le pouvoir de l’Inquisition dans le royaume d’Aragon et avoir le droit de s’approprier, là aussi, les biens des victimes, Ferdinand ne craignit pas d’abolir les privilèges garantis au pays par lettres patentes depuis un temps immémorial, et en vertu desquels il était défendu de confisquer la fortune d’un Aragonais pour quelque crime que ce fût. Torquemada plaça alors le diocèse de Saragosse sous la surveillance de deux inquisiteurs, aussi fanatiques que lui, le chanoine Pedro Arbues de Epila et le moine dominicain Gaspard Jouglar. Il rédigea également une sorte de code pour servir de règle aux juges dans les procès d’hérésie et leur permettre de serrer assez le filet tendu à travers toute l’Espagne pour que nul suspect ne pût en échapper.

Un délai de grâce d’un mois était accordé à ceux qui se dénonceraient spontanément comme judaïsants, mais ils devaient mettre leurs aveux par écrit, répondre en toute franchise aux questions qui leur seraient adressées et désigner les noms de leurs complices et même de ceux qui leur paraîtraient simplement suspects. Les coupables qui ne se feraient connaître qu’après le