Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/411

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délai de grâce perdraient leurs biens. On leur donnerait l’absolution, mais ils resteraient flétris, ne pourraient jamais occuper un emploi public, ni eux ni leurs descendants, ni porter des vêtements de quelque prix.

Dans sa fureur de persécution, l’Inquisition s’attaquait même à des dignitaires ecclésiastiques. Ainsi, elle cita devant son tribunal un chanoine, Pedro Fernandez de Alcandete, né et élevé dans la religion catholique, qui remplissait les fonctions de trésorier à la cathédrale de Cordoue. Le crime commis par ce chanoine méritait un châtiment exemplaire. D’après l’accusation, il aurait, en effet, porté en secret un nom juif, observé les fêtes juives et mangé du pain azyme pendant Pâque. On lui reprochait aussi d’avoir encouragé des Marranes à rester fidèles au judaïsme. Vraies ou non, ces accusations valurent au chanoine d’être condamné à mort par le tribunal de Cordoue. Il fut brûlé.

Au mois de mai 1485 s’ouvrit le tribunal d’inquisition de Tolède. À la séance d’inauguration, un licencié exalta, dans un sermon, la pieuse entreprise de l’Inquisition, puis on lut la bulle de Sixte IV donnant aux inquisiteurs droit de vie et de mort sur les Espagnols, et on annonça que l’Église punirait de l’excommunication majeure tous ceux qui, en parole ou en acte, manqueraient de respect à l’Inquisition. Ensuite, tous les fonctionnaires royaux promirent par serment sur concours absolu aux pieux tribunaux, puis, pour clore la cérémonie, on adressa un appel à tous les Marranes pour les engager à venir divulguer eux-mêmes leur retour au judaïsme et à faire pénitence de leur péché. On leur accorda un délai de quarante jours pour se dénoncer. Quinze jours se passèrent sans qu’un seul Marrane se présentât.

Tout à coup, le bruit se répandit que les Marranes avaient formé un complot pour tomber sur les inquisiteurs, pendant une procession, et les tuer avec leur suite, composée de nobles et de chevaliers. On ajouta même plus tard que les conjurés étaient résolus à exterminer toute la population chrétienne de Tolède. Il y a là une exagération évidente. Cette conspiration n’était dirigée par aucune personnalité de marque, tous les Marranes influents de Tolède ayant été tués ou réduits à s’enfuir vingt ans auparavant ; elle ne pouvait donc pas être bien dangereuse. Un des chefs du