Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/413

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les arrestations se multipliaient et les victimes montaient de plus en plus nombreuses sur les bûchers.

Pourtant, dans les royaumes d’Aragon et de Valence, l’Inquisition rencontra au début une sérieuse résistance. Dans l’Aragon surtout, la population, qui tenait à ses privilèges, ne pouvait admettre que les inquisiteurs fussent les maîtres absolus de toutes les vies et de toutes les fortunes. Naturellement, les Marranes haut placés usaient de leur influence pour entretenir le mécontentement des Aragonais. Aussi, quand l’Inquisition fut introduite dans le pays (1485), des émeutes se produisirent ; on les étouffa dans le sang.

Nullement découragés par ce premier échec, les Marranes, appuyés par de hauts fonctionnaires chrétiens, essayèrent d’un autre moyen pour paralyser l’action de l’Inquisition. Dès que celle-ci eut fait exécuter ses premières victimes à Saragosse, ils poussèrent les cortès à protester énergiquement auprès du pape et du roi contre l’institution des tribunaux d’inquisition. À Rome, le succès était presque sûr, car, en y mettant le prix, on pouvait obtenir l’intervention favorable de la cour pontificale. Mais il paraissait plus difficile de convaincre le roi Ferdinand. Et de fait, celui-ci refusa énergiquement de supprimer ces tribunaux. On se décida alors à ourdir une conspiration pour faire disparaître Arbues, grand inquisiteur dans le royaume d’Aragon et digne collègue de Torquemada. Par le meurtre d’Arbues on espérait effrayer l’Inquisition.

À la tête du complot se trouvaient Juan Pedro Sanchez, très considéré, avec ses frères, à la cour royale, un jurisconsulte du nom de Jaime de Montesa, et deux Marranes, Sancho de Paternoy et Louis de Saint-Angel. D’autres hommes influents s’associèrent aux efforts des conjurés, même des fonctionnaires qui avaient prêté serment d’accorder leur concours à l’Inquisition, notamment Francisco de Santa-Fé, fils de l’apostat Lorqui. Un noble, Blasco de Alagan, recueillit les fonds nécessaires à l’entreprise, et Juan de Abadia fut chargé de trouver des hommes disposés à tuer Arbues. Les conspirateurs étaient également soutenus par des personnes notables, d’origine juive, des villes de Saragosse, Tarragone, Calatayud, Huesca et Barbastro.