Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/417

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sans bornes dans l’influence des favoris juifs sur la cour. Outre Abraham Senior, qui avait aidé efficacement au mariage de Ferdinand et d’Isabelle et jouissait auprès d’eux d’une grande considération, une autre personnalité juive occupait, précisément à cette époque, une haute situation à la cour de Castille : c’était le célèbre Don Isaac Abrabanel.

Avec Isaac Abrabanel (né à Lisbonne en 1437 et mort à Venise en 1509) se clôt en Espagne la série des hommes d’État juifs qui usèrent de leur crédit pour le bien de leurs coreligionnaires. Cette série avait commencé avec Hasdaï ibn Schaprout. Don Isaac Abrabanel, qui prétendait descendre de la famille royale de David, se distinguait par la noblesse de ses sentiments, la précocité et la clarté de son intelligence, mais son esprit n’avait ni profondeur, ni ampleur. Sachant juger avec une grande justesse et infiniment de bon sens les événements présents, il n’était pas assez perspicace pour se rendre suffisamment compte de certaines éventualités. Dès sa jeunesse, Abrabanel étudia avec passion le judaïsme, son passé brillant, sa conception de la divinité, et, arrivé à peine à l’âge d’homme, il écrivit un ouvrage pour mettre en lumière la protection spéciale accordée par Dieu à Israël. Mais ses notions philosophiques, il les devait plus à ses lectures qu’à ses méditations.

Ce qu’il possédait surtout à un degré éminent, c’était la connaissance et l’expérience des affaires ; il était financier habile et politique avisé. Alphonse V, roi de Portugal, qui savait apprécier son grand mérite, l’appela auprès de lui pour lui confier la direction des finances et lui demander conseil dans les circonstances graves. Par son caractère élevé, sa piété sincère, sa modestie et son désintéressement, Abrabanel conquit l’estime et la sympathie des plus grands seigneurs du royaume. Il entretenait des relations amicales avec le puissant et gracieux duc Fernando de Bragance, qui commandait à une agglomération de plus de cinquante villes, hameaux, forts et châteaux, et disposait de 10.000 fantassins et de 3.000 cavaliers, ainsi qu’avec ses frères, le marquis de 11outemar, connétable de Portugal, et le comte de Faro. Il était aussi très lié avec le savant João Sezira, pour qui la cour avait une grande considération, et qui aimait les Juifs.