Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/430

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après la découverte de l’Amérique, l’État le plus riche, le plus florissant et le plus solide, qui, par suite de son unité, aurait facilement rivalisé avec l’Italie. Torquemada préféra en faire un centre d’atroces cruautés et d’exécutions sanglantes.

Du reste, les chrétiens espagnols ne tardèrent pas à s’apercevoir des effets désastreux de l’expulsion des Juifs. Les petites villes, auxquelles la présence des Juifs donnait auparavant quelque animation, déclinèrent rapidement, au point de devenir de simples hameaux, n’ayant plus le sens de la liberté et subissant sans résistance le joug de plus en plus lourd du despotisme royal et de la tyrannie ecclésiastique. Les nobles, de leur côté, se plaignaient que leurs villes et leurs domaines eussent perdu toute importance, et déclaraient bien haut qu’ils se seraient opposés de toutes leurs forces à l’exécution de l’arrêt d’exil s’ils en avaient pu prévoir les conséquences. Immédiatement après le départ des Juifs, on souffrit surtout du manque de médecins. Pour empêcher les habitants de Vitoria et des environs de devenir la proie des charlatans, des rebouteurs et des exorcistes, les autorités de la ville durent faire venir un médecin de loin et lui assurer un traitement annuel considérable. La proscription des Juifs eut encore bien d’autres inconvénients pour l’Espagne, et tout l’or qu’elle tirait de ses nouvelles possessions américaines ne pouvait pas remplacer l’activité commerciale et industrielle de ceux qu’elle venait de chasser. La foule oublia peu à peu le nom même de ces Juifs qui avaient tant contribué à la grandeur de leur patrie d’adoption, mais ce nom devait forcément se présenter pendant longtemps encore à l’esprit des savants, à cause des nombreux éléments juifs contenus dans la littérature espagnole.

En vertu d’un ordre royal, les écoles, les hôpitaux, et, en général, tous les biens que les Juifs étaient obligés de laisser en Espagne devinrent la propriété du fisc ; les synagogues furent changées en églises ou en couvents. Ainsi, la magnifique synagogue de Tolède, construite aux frais de l’homme d’État juif Don Samuel Allavi, devint une église (de nuestra Señora de san Benito) et forme aujourd’hui encore, avec son style mauresque et ses admirables colonnes, un des ornements de la ville.

Il restait pourtant des Juifs en Espagne, mais couverts du