Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/437

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contre de l’argent, le souverain consulta quand même les membres de son Conseil. Les uns, par pitié pour les Juifs ou par flatterie pour le roi, se montrèrent favorables aux exilés espagnols, mais d’autres protestèrent énergiquement contre leur venue en Portugal. Comme le roi comptait sur les sommes que lui verseraient les émigrants pour pousser avec vigueur la guerre en Afrique, il ne tint nul compte des objections.

Dans leurs pourparlers avec João II, les délégués des exilés espagnols s’étaient d’abord proposé de demander la permission de s’établir définitivement en Portugal. Mais les Juifs portugais eux-mêmes jugèrent que si pareille faveur était accordée à leurs coreligionnaires d’Espagne, elle aurait très probablement des conséquences funestes. Car il y aurait alors en Portugal trop de Juifs, en proportion du nombre d’habitants du pays, et il faudrait craindre que le roi, qui n’était pas bon et n’aimait pas les Juifs, s’avisât un jour d’expulser de son royaume la population juive tout entière. Dans la réunion des notables juifs portugais qui délibérèrent sur cette question, un généreux vieillard, Joseph, de la famille Ibn Yahya, plaida avec une éloquence chaleureuse la cause des exilés espagnols. Mais la majorité était d’avis que ces exilés mettraient en danger tous les Juifs du royaume en restant définitivement dans le pays. Il ne fut donc question, dans l’entrevue des délégués espagnols avec le souverain portugais, que d’un séjour provisoire ; au bout d’un certain temps, les proscrits devaient de nouveau quitter le Portugal pour se rendre dans une autre contrée.

On s’arrêta de part et d’autre aux stipulations suivantes. Tout juif espagnol, riche ou pauvre, à l’exception des nourrissons, payera, comme droit d’entrée en Portugal, une capitation de 8 cruzados or (environ 25 francs), en quatre termes, pour un séjour de huit mois. Les ouvriers seuls, tels que métallurgistes et armuriers, étaient autorisés à s’établir définitivement dans le pays et ne payaient, dans ce cas, que la moitié de la somme imposée aux autres réfugiés. Le roi s’engageait, le délai expiré, à mettre à la disposition des proscrits des navires qui les transporteraient, pour un prix modéré, dans le pays où ils voudraient se rendre. Ceux qui ne pourraient pas prouver qu’ils ont acquitté la taxe de capitation