désiré et que des Juifs courageux, au risque d’encourir les plus rigoureux châtiments, établirent des oratoires dans leurs demeures, le roi, à l’instigation du même renégat, ordonna secrètement (au commencement d’avril 1497) que le dimanche de Pâques on arrachât à leurs parents tous les enfants juifs âgés de moins de quatorze ans, et qu’on les traînât de force aux fonts baptismaux.
Malgré toutes les précautions prises, quelques Juifs furent informés de ce que tramait le roi et prirent leurs mesures pour échapper par la fuite à la flétrissure du baptême. Quand Manoël apprit ce fait, il prescrivit qu’on procédât immédiatement au baptême des enfants. Alors se produisirent des scènes déchirantes dans toutes les localités habitées par des Juifs. Les parents s’attachaient désespérément à leurs enfants, qui, de leur côté, se cramponnaient à eux de toutes leurs forces ; on les séparait à coups de lanière. Plutôt que de se laisser enlever leurs enfants, bien des parents les étranglaient dans leurs derniers embrassements ou les précipitaient dans des puits ou des fleuves, et se tuaient ensuite. J’ai vu de mes propres yeux, raconte l’évêque Coutinho, des enfants traînés par les cheveux aux fonts baptismaux, et les pères les accompagner, la tête voilée de deuil, poussant des cris lamentables et protestant jusqu’au pied de l’autel contre ce baptême forcé. J’ai vu bien d’autres cruautés encore. Les contemporains gardèrent surtout un souvenir douloureux de l’horrible genre de mort choisi, pour lui et ses enfants, par un Juif cultivé et très considéré, Isaac ibn Cahin, pour échapper aux convertisseurs.
Des chrétiens même se prirent de compassion pour ces malheureux, et, sans tenir compte du châtiment auquel ils s’exposaient, cachèrent des enfants juifs dans leurs maisons pour les sauver momentanément. Mais Manoël et sa jeune épouse restèrent sourds aux supplications comme aux gémissements. Après le baptême, les enfants juifs recevaient un nom chrétien et étaient ensuite disséminés dans diverses villes, où on les élevait dans la foi chrétienne. Sur un ordre secret, ou par excès de zèle, les émissaires royaux arrêtaient même des jeunes gens de vingt ans pour les baptiser.
Il est probable que, dans ces tristes circonstances, de nombreux