Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/446

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Juifs apostasièrent pour ne pas s’éloigner de leurs enfants. Mais le roi, guidé par l’intérêt bien plus que par la foi, ne se contenta pas de ces conversions, il voulait que, convaincue ou non, toute la population juive de Portugal se fit chrétienne et restât dans le pays. Pour entraver leur émigration, il revint sur l’autorisation qu’il leur avait donnée de s’embarquer dans trois ports, et ne leur permit plus de partir que par Lisbonne. Tous les émigrants durent donc se réunir dans cette dernière ville ; ils y vinrent au nombre d’environ 20.000.

Une fois rassemblés à Lisbonne, ils se heurtèrent contre d’autres difficultés. Le roi, il est vrai, fit mettre des maisons à leur disposition pour y loger, mais, sur son ordre, ils rencontrèrent, pour leur embarquement, tant d’obstacles que le délai passa et que le mois d’octobre arriva sans que la plupart d’entre eux eussent pu partir. Devenu ainsi, par les termes mêmes de la convention, maître absolu de leur liberté et de leur vie, il les fit entasser comme du bétail dans un hangar et leur déclara qu’ils étaient maintenant ses esclaves et que leur sort dépendait de sa seule volonté. Il leur laissait le choix de se faire chrétiens de leur propre gré, avec la perspective de recevoir honneurs et richesses, ou de n’accepter le baptême que par la violence. Comme presque tous s’obstinèrent à rester juifs, il les priva de nourriture pendant trois jours. Mais ni la faim ni la soif ne purent triompher de leur résistance. Pour avoir raison de leur aversion pour le christianisme, Manoël les fit traîner de force à l’église, à l’aide de corde. ou tout simplement par les cheveux ou la barbe. Mais beaucoup de Juifs préférèrent la mort au baptême ; il y en eut qui se tuèrent dans l’église même. Un père couvrit ses enfants de son talit, les égorgea et se tua ensuite.

Les Maures aussi furent expulsés, à ce moment, du Portugal, mais on les laissa partir tranquillement, sans les maltraiter, non pas par égard pour eux, mais parce que Manoël craignit que l’un ou l’autre des princes musulmans en Afrique ou en Turquie usât de représailles envers les chrétiens de son pays. Manoël, que quelques historiens ont surnommé le Grand, ne se montra si cruel envers les Juifs que parce qu’il savait qu’ils n’avaient pas de défenseur.

Imposée par la contrainte, la conversion au christianisme des