Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/450

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pour les Juifs de tous les pays. Aux yeux de leurs coreligionnaires, les Juifs espagnols ou Sefardim[1] formaient une véritable aristocratie, comprenant même des descendants directs de la famille royale de David. La douleur fut donc générale en Israël quand on apprit que ces Juifs, nobles entre tous, avaient été frappés, eux aussi, et plus durement encore que leurs frères des autres contrées.

Décimés, en effet, par la famine, la peste, les naufrages et les misères de toute sorte, les proscrits espagnols, d’abord au nombre de plusieurs centaines de mille, étaient considérablement réduits. Les débris erraient à l’aventure, avec des figures de spectres, chassés de pays en pays et mendiant leur pain, eux, les princes d’Israël, aux portes de leurs frères. À leur sortie d’Espagne, ils possédaient au moins trente millions de ducats, mais toutes ces ; richesses s’étaient comme fondues dans leurs pérégrinations. Ils se trouvaient donc dans le plus grand dénuement, entourés partout d’ennemis contre lesquels l’argent seul aurait pu les protéger. À cette époque, des Juifs d’Allemagne furent également chassés de quelques villes de l’ouest et de l’est de l’empire. Hais leurs souffrances étaient loin d’égaler celles des Sefardim. Ils n’avaient pas connu, comme ces derniers, les agréments d’une existence. confortable et le bonheur de posséder une patrie, et ils étaient habitués de longue date aux avanies et aux violences.

Cinquante ans après leur bannissement de l’Espagne et du Portugal, les exilés étaient disséminés à travers le monde entier. On en rencontrait un groupe ici, là une famille ou quelques traînards isolés. C’était comme une sorte de migration de peuples se dirigeant vers l’Orient, surtout du côté de la Turquie. On aurait dit qu’ils voulaient se rapprocher de leur ancienne patrie. Mais que de maux ils eurent à endurer et d’obstacles à vaincre avant de retrouver le calme et la sécurité !

Parmi les fugitifs, la famille d’Abrabanel fut très éprouvée. Le chef de la famille, Isaac Abrabanel, que Ferdinand Ier, roi de Naples, et son fils Alphonse avaient nommé à un poste élevé, dut

  1. En ce temps, le nom biblique de Sefarad désignait l’Espagne, et on, comprenait sous l’appellation de Sefardim tous les Juifs d’Espagne, de Castille, d’Aragon, de Léon de Navarre et de Portugal.