Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/451

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fuir de Naples devant l’invasion française et chercher un refuge, avec son souverain, en Sicile d’abord et ensuite dans l’île de Corfou. Il se fixa définitivement à Monopoli, dans l’Apulie. Complètement ruiné, séparé de sa femme et de ses enfants, il vivait dans la douleur et l’affliction, et ne trouvait quelque consolation que dans l’étude de la Bible.

Son fils aîné, Juda Léon Médigo, était établi à Gènes. Malgré l’existence tourmentée à laquelle il était condamné, malgré son chagrin de s’être vu arracher son fils, élevé en Portugal dans la foi chrétienne, il s’adonnait aux plus hautes spéculations. Il était supérieur à son père par la culture de son esprit et la variété de ses connaissances. Pour gagner sa rie, il professa la médecine et reçut pour cette raison le surnom de Medigo, mais il manifestait une prédilection particulière pour l’astronomie, les mathématiques et la philosophie. Il fut attaché comme médecin au capitaine-général d’Espagne, Gonzalve de Cordoue, conquérant et vice-roi de Naples. Gonzalve ne partageait point la haine de son souverain pour les Juifs. Quand, après la conquête du royaume de Naples (1504), Ferdinand le Catholique se proposa d’expulser les Juifs du pays, Gonzalve combattit ce projet en faisant remarquer qu’ils étaient peu nombreux et que leur départ serait très préjudiciable à l’État, parce qu’ils émigreraient à Venise et y apporteraient leur activité et leurs richesses. Le roi tint compte des conseils de Gonzalve, mais autorisa le saint-office à établir un tribunal d’inquisition à Bénévent, pour surveiller les Marranes émigrés d’Espagne et de Portugal.

Le deuxième fils d’Isaac Abrabanel, Isaac II, exerça la médecine à Reggio, d’abord, et ensuite à Venise, où il fut rejoint par son père. Enfin, le plus jeune fils, Samuel, qui devint plus tard le protecteur de ses coreligionnaires, était allé, sur l’ordre de son père, d’Espagne à Salonique pour y fréquenter l’école talmudique, et où il vécut heureux et tranquille.

À Venise, le vieux Abrabanel fut encore une fois amené à s’occuper d’affaires politiques. À l’occasion d’une discussion d’intérêts qui s’était élevée entre la cour de Lisbonne et la république de Venise, et à laquelle il réussit à mettre fin, il sut faire apprécier par quelques sénateurs vénitiens son habileté financière et politique,