Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/452

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et fut consulté, dés lors, pour toutes les questions importantes. Mais les péripéties douloureuses de ses nombreuses pérégrinations avaient eu raison de son énergie et de sa vigueur physique, et avant sa soixante-dixième année il était déjà un vieillard débile et caduc. Il est vrai qu’il aurait fallu aux proscrits de la péninsule ibérique un corps d’airain pour ne pas succomber, avant l’âge, aux maux qui les atteignirent.

Pourtant, leur fermeté d’âme resta à la hauteur de leurs souffrances. Ils se montraient presque fiers d’être si malheureux. Dans l’esprit des Juifs sefardim existait, plus ou moins nettement, cette idée qu’ils devaient être particulièrement aimés de Dieu pour qu’il les eût frappés avec tant de rigueur. Aussi, contre toute attente, triomphèrent-ils rapidement du découragement. Dès qu’ils furent un peu remis des coups terribles qui leur avaient été portés, ils marchèrent de nouveau la tête haute. Ils avaient tout perdu, hormis leur fierté et leurs allures castillanes. Bien que la haute culture exit moins d’adeptes parmi eux depuis que le judaïsme s’était laissé envahir par l’esprit étroit et sectaire des ennemis de la science et que l’intolérance les avait exclus de la société chrétienne, ils étaient pourtant encore supérieurs aux Juifs des autres pays par leurs connaissances variées, leur maintien digne, leur langage élégant et orné. Conservant au fond du cœur un profond attachement pour leur ingrate patrie, qui les avait expulsés, ils transplantèrent la langue et les manières espagnoles dans toutes les contrées où ils s’établirent, en Afrique comme dans la Turquie d’Europe, en Syrie et en Palestine comme dans l’Italie et les Flandres. Aussi la langue castillane s’est-elle, conservée parmi leurs descendants, presque dans toute sa pureté, jusqu’à nos jours.

Sous ce rapport, ils formaient un vif contraste avec les Juifs allemands ou Aschkenazim, qui parlaient un jargon corrompu et considéraient presque comme un devoir religieux de vivre séparés des chrétiens. Les Sefardim, au contraire, se mêlaient à la société chrétienne, où ils savaient se faire estimer pour la fermeté et la dignité de leur caractère. Il leur importait d’avoir un extérieur convenable, une tenue soignée, un langage choisi ; dans leurs synagogues, ils avaient une attitude respectueuse. Leurs rabbins