Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/460

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nouvelle communauté espagnole. Celle-ci comptait, en ce temps, cinq cents familles. Peu de temps après leur arrivée, les réfugiés juifs d’Espagne construisirent à Damas une synagogue monumentale, qu’ils appelèrent khataïb. Leur nombre augmenta tellement qu’ils purent se diviser en plusieurs groupes, selon les districts espagnols dont ils étaient originaires.

Mais la plus grande partie des exilés espagnols se rendit dans la Turquie d’Europe. Quoique les habitants de ce pays n’eussent pas sans cesse à la bouche les grands mots d’amour et de fraternité des hommes, comme les chrétiens, ils accueillirent pourtant les fugitifs avec une cordiale bienveillance, et les sultans Bajazet II, Sélim I et Soliman Ier leur accordèrent les mêmes libertés qu’aux croyants des autres cultes, tels que les Arméniens et les Grecs. Tout joyeux de la sécurité dont ses coreligionnaires jouissaient en Turquie, un poète juif s’écrie dans son enthousiasme : L’Éternel a ouvert pour toi la Turquie, ô Jacob, afin d’y faire disparaître tes souffrances, comme il a autrefois entr’ouvert les flots de la mer pour y noyer les Égyptiens. Là, tu vis en liberté et tu peux pratiquer ouvertement le judaïsme, là… tu peux laisser de côté l’erreur, t’attacher à tes vieilles vérités et négliger des usages contraires aux prescriptions divines, que tes adversaires t’avaient condamné à observer.

Dans les premiers temps de leur séjour en Turquie, les Juifs furent particulièrement heureux, parce qu’on appréciait les services qu’ils rendaient au jeune empire. Les Turcs étaient d’excellents guerriers, mais c’était là leur seule qualité dont l’État pût tirer profit. Quant aux Grecs, aux Arméniens et aux adeptes des autres confessions chrétiennes, les sultans, qui avaient souvent des rapports très tendus avec les puissances chrétiennes, ne pouvaient se fier que médiocrement à eux, ils avaient à craindre d’être trahis. Par contre, ils pouvaient compter sur la fidélité, le dévouement et l’activité des Juifs. Ceux-ci représentaient à la fois la classe marchande et la bourgeoisie de la Turquie. Ils n’avaient pas seulement entre les mains le commerce du gros et du détail, mais exerçaient aussi les professions manuelles et pratiquaient les divers arts. C’est ainsi que les Marranes, qui avaient fui l’Espagne et le Portugal, fabriquaient pour les Turcs des armes