à feu, des canons et de la poudre, et leur apprenaient à s’en servir.
On estimait surtout, en Turquie, les médecins juifs, élèves distingués de l’école de Salamanque, que la population préférait, pour leur habileté, leur culture, leur discrétion et leur prudence, à leurs collègues chrétiens et même musulmans. Le sultan Sélim eut pour médecin un Juif espagnol, nommé Joseph Hamon, dont le fils et le petit-fils occupèrent ensuite une situation analogue auprès d’autres sultans. Le fils, Moïse Hamon (né vers 1490 et mort avant 1565), attaché à la personne de Soliman Ier, fut encore plus considéré et plus influent que le père. Très instruit et d’un caractère très ferme, il accompagnait d’habitude le sultan à la guerre. De Perse, où il avait suivi son maître dans une campagne, Moïse Hamon ramena (vers 1535) un savant juif, du nom de Jacob Tous ou Taws, qui avait traduit le Pentateuque en persan. Plus tard, il fit imprimer à ses frais cette traduction persane, avec une version chaldéenne et une version arabe. Moise Hamon mettait au service de ses coreligionnaires et du judaïsme la considération dont il jouissait auprès de son souverain.
La communauté juive de Constantinople, qui s’était accrue considérablement par l’affluence des fugitifs de la péninsule ibérique, était, à cette époque, la plus Importante de l’Europe ; elle comptait près de 30.000 âmes et possédait quarante-quatre synagogues, c’est-à-dire quarante-quatre groupes différents. Les Juifs de la capitale ottomane, comme ceux des autres villes, ne formaient pas, en effet, une association unique, mais étaient divisés, dans chaque localité, en groupes, d’après leurs divers lieux d’origine. Chacune de ces fractions de communauté, pour maintenir son originalité propre, conservait ses traditions, sa liturgie, ses rites, et tenait même à avoir sa synagogue et son collège rabbinique. Elle répartissait elle-même entre ses membres, non seulement les impôts dus pour le culte, les fonctionnaires religieux, la bienfaisance et les écoles, mais aussi les taxes destinées à l’État.
Au début de l’immigration des Juifs espagnols, les indigènes, plus nombreux, avaient le pas sur les nouveaux arrivés. Ainsi, après la mort de Moïse Capsali, dont la valeur, si grande, fut pourtant méconnue, la dignité de grand-rabbin fut confiée à Elia Mizrahi, probablement originaire d’une famille grecque immigrée.