Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/65

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avec ses mortifications et ses austérités, comme le suprême degré de la sagesse humaine. À son avis, le judaïsme prescrit la sobriété et l’abstinence. Depuis Hénoc jusqu’à Jacob, dit-il, les patriarches n’eurent pas besoin d’être astreints à la tempérance par des lois spéciales, parce que chez eux l’esprit triomphait toujours de la chair. Ces lois devinrent seulement nécessaires après que le peuple juif, corrompu par son séjour en Égypte et les riches dépouilles trouvées plus tard dans le pays des Cananéens, se fut laissé séduire par les jouissances matérielles. De là l’utilité de l’institution du naziréat.

À mesure que le peuple dégénérait, des particuliers, notamment les prophètes, se sentaient portés à renoncer à toute relation sociale et à toute occupation pour se retirer dans la solitude et mener une vie contemplative. Cet exemple ne peut sans doute pas être suivi par tous, car il faut dans la société des hommes qui travaillent et agissent. Mais il est nécessaire qu’il y ait une classe d’hommes contemplatifs, séparés du monde (Peruschim) et enseignant au reste des humains à modérer leurs appétits et à vaincre leurs passions.

Comme on voit, Bahya avait des tendances à exalter le monachisme, tendances qui régnaient au moyen âge chez les musulmans comme chez les chrétiens. Quoique familiarisé avec la philosophie, il aurait vécu dans la retraite du cloître et l’immobilité de la contemplation, si le judaïsme rabbanite n’était pas absolument contraire à une telle exagération.

Parmi les figures si originales de la première période rabbinique, se trouve un savant dont les idées offraient un danger réel pour le judaïsme. C’était Abou-Abraham Isaac ibn Kastar ben Jasus, connu comme auteur sous le nom de Yitshaki et célèbre, même chez les Arabes, par ses connaissances médicales et philosophiques. Originaire de Tolède (né en 982 et mort en 1057), il était le médecin de Moudjahid et de son fils Ali Ikbal Addaula, princes de Dénia. Il écrivit une grammaire hébraïque, sous le titre de Recueil, et un autre ouvrage qu’il appela Sefer Yitshaki et où il exposait des idées excessivement hardies sur la Bible. Ainsi, selon lui, le chapitre de la Genèse qui parle des rois iduméens n’est pas de Moïse, mais a été interpolé quelques siècles