Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/85

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été considérables. Avant de poursuivre leur chemin, elles attendirent de nouveaux pèlerins, et quand elles eurent été renforcées, elles marchèrent sur Worms. L’évêque Allebrand ne put ou ne voulut pas défendre les Juifs de cette ville, il offrit cependant un asile dans son palais à un certain nombre d’entre eux. La plus grande partie de la population juive resta exposée aux attaques des croisés. Elle se défendit arec vaillance, mais succomba sous le nombre. Beaucoup d’entre eux se tuèrent eux-mêmes et expirèrent au cri si souvent répété par les martyrs juifs : L’Éternel notre Dieu est Un. Des mères tuèrent leurs enfants de leurs propres mains. Après avoir pillé et détruit les demeures des Juifs, les croisés tournèrent leur fureur contre les rouleaux de la Loi, déchirant et brûlant tous ceux qu’ils trouvaient (dimanche, 23 iyyar=16 mai).

Les Juifs réfugiés au palais épiscopal y étaient depuis une semaine, quand l’évêque les menaça d’y laisser pénétrer les croisés s’ils n’acceptaient pas le baptême. Ils demandèrent un délai pour délibérer sur le parti à prendre. Le délai expiré, l’évêque ouvrit les portes. Presque tous les Juifs étaient morts ; ils s’étaient tués les uns les autres. Déçus dans leur espoir de carnage, les croisés s’acharnèrent sur les cadavres, qu’ils traînèrent à travers les rues. Un petit nombre seul avait embrassé le christianisme pour échapper à la mort (dimanche, 1er siwan = 25 mai). Un jeune homme, Simha Kohen, qui avait vu égorger sous ses yeux son père et ses sept frères, voulut se venger avant de mourir. Feignant de consentir à accepter le baptême, il se laissa conduire à l’église, et là, au moment de recevoir le sacrement, il saisit un couteau qu’il avait tenu caché et tua un neveu de l’évêque.

Ce ne fut qu’après le départ des croisés qu’on put enterrer tous ces martyrs ; ils étaient au nombre de huit cents.

À Mayence, les croisés eurent à leur tête un certain comte Emmerich ou Emicho, homme sanguinaire et proche parent de l’archevêque Ruthard. Pour s’emparer plus facilement des richesses des Juifs, dont il était plus avide encore que de leur sang, il semble avoir conçu, d’accord avec l’archevêque, un pion vraiment infernal. Sous prétexte de les protéger, Ruthard offrit aux Juifs un asile dans son palais et leur demanda de lui confier leurs