Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/84

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dans ce pays avaient pour chef un chevalier français, Guillaume le Charpentier, qui, déjà avant son départ, avait volé aux paysans les ressources nécessaires pour équiper ses troupes. On peut juger de l’intelligence de ces bandes par le trait suivant. Pour trouver le chemin de Jérusalem, ils se faisaient précéder d’une oie et d’une chèvre, qu’ils croyaient animées de l’esprit saint. Tels étaient les hommes qui allaient se ruer sur les Juifs d’Allemagne, dont le seul protecteur qui eût pu leur venir en aide, l’empereur Henri IV, était alors en Italie, occupé à se défendre lui-même.

À la seule annonce de l’approche de ces hordes. les Juifs de Trèves furent pris d’une telle frayeur que plusieurs d’entre eux égorgèrent leurs enfants et se tuèrent ensuite eux-mêmes. Des femmes et des jeunes filles se jetèrent dans la Moselle, pour échapper à leurs violences. Il y en eut qui implorèrent la protection de l’évêque Égilbert. Convertissez-vous, leur dit ce prélat, et je vous laisserai jouir en paix de votre liberté et de vos biens. Si, au contraire, vous persistez dans votre erreur, vous perdrez votre âme avec votre corps. Réunis pour délibérer, ils décidèrent, sur la proposition d’un de leurs chefs nommé Michée, d’adopter en apparence le christianisme : Fais-nous connaître rapidement, dit Michée à l’évêque, ce que nous devons croire, et protège-nous contre ceux qui nous guettent à la porte pour nous exterminer. Égilbert lut alors à haute voix le Credo chrétien, les Juifs le répétèrent et se firent ensuite baptiser. Triomphe bien peu glorieux pour le christianisme !

De Trèves les croisés se rendirent à Spire. Les Juifs de cette ville avaient Été déclarés inviolables par l’évêque et l’empereur, mais les croisés n’en tinrent nul compte. Ils commencèrent par traîner dix Juifs à l’église. Ceux-ci préférèrent la mort à l’apostasie ; ils furent tués (3 mai= 10 iyyar 1096). Le reste de la population juive chercha un refuge dans le palais de l’évêque Johansen et dans le château fort impérial. Plus humain que son collègue de Trèves, Johansen accorda sa protection aux Juifs. Il fit saisir et pendre quelques-uns des croisés. Cet acte d’énergie suffit pour arrêter les désordres.

Les bandes qui avaient attaqué Spire ne paraissent pas avoir