Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 4.djvu/95

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Néanmoins, comme poète, il est bien inférieur à Ibn Gabirol ; il est maniéré et guindé, ses images sont exagérées, ses vers manquent de mesure et d’harmonie. Il faut cependant admirer son habileté dans le maniement de l’hébreu, la fertilité de son imagination, l’abondance de ses productions et les nombreuses variétés de vers dont il a enrichi la littérature hébraïque. Sous le titre de Collier de perles, il publia un recueil de chants de douze cent dix vers, divisé en dix chapitres. Il y célèbre son protecteur Ibn Kamnial, chante tour à tour le vin, l’amour, les plaisirs, la vie voluptueuse sous les voûtes de feuillage et au milieu des chants des oiseaux, déplore l’éloignement de ses amis, se plaint de trahison, gémit sur l’approche de la vieillesse, conseille la confiance en Dieu et exalte enfin l’art de la poésie. À côté de ce recueil, Ibn Ezra produisit encore trois cents poésies de circonstance, réunies en un diwan de plus de dix mille vers, et près de deux cents compositions liturgiques pour les fêtes du Nouvel an et de l’Expiation, qui ont été admises dans le Rituel de plusieurs communautés. Ses prières manquent d’élévation et de sincérité, elles sont écrites selon toutes les règles de l’art, mais on n’y sent ni chaleur ai sentiment.

Moïse ibn Ezra composa également deux ouvrages didactiques, l’un, écrit en arabe et intitulé Dialogues et Souvenirs, où il traite des principes de l’art oratoire et de la poésie et énumère les travaux des poètes hispano-juifs depuis les premiers temps ; l’autre, en hébreu, à tendances philosophiques, où il expose sèchement, d’après des modèles arabes, la philosophie aride du temps.

Quoiqu’il fût poète à peine suffisant et philosophe médiocre, Moise, grâce à son étonnante facilité, jouissait cependant de la considération générale. Il entretenait des relations amicales avec toutes les personnalités éminentes de son époque, qui le louèrent en prose et en vers.

Mais la gloire la plus pure et la plus lumineuse de ce temps fut Adbou-l-Hassan Juda ben Samuel Hallévi, né vers 1086 dans la Vieille Castille. Comme poète il surpassa ses prédécesseurs et ses contemporains, et comme penseur il fait partie du petit, nombre d’élus qui ont mis au monde des conceptions nouvelles et exprimé des idées suggestives. Pour le célébrer dignement, l’histoire devrait emprunter à la poésie ses plus brillantes images et ses