accents les plus doux. C’était une intelligence d’élite qui passa sur la terre comme un être divin, entouré d’une radieuse auréole et illuminant le judaïsme de l’éclat de sa splendeur. Quand l’Espagne aura triomphé de ses préjugés et ne fera plus passer ses grands hommes d’autrefois sous la toise de l’Église avant de les adopter comme des illustrations nationales, elle accordera certainement à Juda Hallévi une place d’honneur dans son panthéon. Les Juifs ont déposé depuis longtemps la couronne de la poésie sur le front de ce chantre admirable, d’une piété si profonde et d’une moralité si élevée.
Sans tache, pure et sincère
Fut sa poésie comme son âme.
Après l’avoir créée,
Dieu, content de son œuvre,
Embrassa cette belle âme.
Et l’écho de ce baiser divin
Résonne dans les chants du poète.
Cet homme extraordinaire réunissait en lui les qualités les plus opposées. Esprit sérieux et méditatif, il savait être gai et enjoué ; entouré d’admirateurs passionnés, il resta modeste ; profondément attaché à ses amis, il ne leur sacrifia jamais ses idées et ses conceptions ; poète dans toute la force du terme, il sut toujours maîtriser son imagination et diriger ses sentiments, ses pensées et ses actions, avec la plus parfaite clairvoyance. Il s’imposa des règles de conduite dont il ne se départit jamais.
Né dans l’Espagne chrétienne, Juda Hallévi se rendit à Lucéna pour étudier le Talmud auprès d’Alfasi, parce que la Castille et, en général, l’Espagne septentrionale ne possédaient pas de savants talmudistes. Comme Ibn Gabirol, il était encore jeune quand il sentit en lui l’inspiration poétique. Hais loin d’être triste comme celle du chantre de la mélancolie et de la souffrance, sa Muse ne faisait entendre, au contraire, que des notes joyeuses, célébrant, par exemple, le mariage d’Ibn Migasch, la naissance du premier-né dans la famille de Baruch ibn Albalia (vers 1100), et d’autres événements heureux. C’est que le bonheur sourit constamment à ce favori du sort. À Grenade, il se lia avec la famille des Ibn Ezra, et quand il apprit qu’à la suite d’un chagrin d’amour