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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/112

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songeait à déclarer un jour ou l’autre la guerre. à l’Espagne, où les musulmans avaient eu tant à souffrir pour leur foi et où ils étaient encore maltraités sur la rive africaine, il s’adressait souvent à Joseph pour avoir des données certaines sur la situation politique et militaire de ce pays. Aussi Joseph devint-il rapidement, comme bey franc, un des personnages les plus considérables de Constantinople.

Bientôt, par un de ces hasards qui élèvent et abaissent brusquement les dignitaires dans un pays comme la Turquie, Joseph Nassi vit encore grandir son influence. La discorde régnait entre les fils de Soliman. Le père manifestait sa préférence pour le plus jeune, à cause de son goût pour les choses militaires. Aussi les courtisans se tenaient-ils éloignés de l’aîné, Selim. Joseph Nassi, au contraire, défendit auprès du sultan la cause du prince délaissé. Lorsque Soliman, pour témoigner qu’il rendait toute son affection à Selim, voulut lui offrir de riches présents, il désigna Joseph Nassi pour aller les lui remettre en Asie Mineure. Heureux de rentrer en grâce auprès de son père, Selim en manifesta sa reconnaissance au messager de cette bonne nouvelle. II fit de lui son confident (moutafarrik) et l’attacha à sa personne.

Préoccupés de l’influence croissante du favori juif auprès de la Port,, les ambassadeurs des États chrétiens cherchèrent à ruiner son crédit. Ce furent surtout les représentants de la France et de la république de Venise qui s’acharnèrent à sa perte, parce qu’il avait dénoncé leurs intrigues et qu’il en voulait personnellement à leurs pays. On se rappelle, en effet. que sa belle-mère avait été emprisonnée à Venise et dépouillée d’une grande partie de sa fortune, et que le gouvernement français devait une somme considérable (150.000 ducats) à la maison Mendès-Nassi. Henri II ainsi que son successeur avaient refusé de payer cette dette sous le prétexte assez singulier que la loi et la religion s’opposaient à ce qu’un roi de France s’acquittât envers un créancier juif, parce qu’il n’était pas permis aux Juifs de s’occuper d’affaires en France et que tous leurs biens appartenaient au souverain. Soliman pas plus que Selim n’adhérèrent à cette manière de voir Pt exigèrent, avec des paroles menaçantes, que satisfaction fût donnée à Joseph Nassi.