Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/118

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dans son ambition, et la pensée de la création d’un État juif ne fut jamais réalisée. En général, Joseph n’a rien fondé de durable dans le judaïsme. Il formait d’admirables projets, mais n’avait pas assez de persévérance pour les exécuter, ou se trompait sur les moyens à employer. Il ne se trouva pas non plus, parmi les rabbins et les chefs de communauté, un homme vraiment supérieur qui mit à profit cette situation exceptionnelle des Juifs en Turquie pour imprimer au judaïsme une impulsion nouvelle et travailler en vue de l’avenir. Les rabbins et les prédicateurs étaient très instruits dans leur spécialité, mais suivaient les chemins battus ; ils ne produisirent aucune œuvre remarquable. Un seul ouvrage de cette époque a encore quelque autorité de nos jours, c’est le Schoulkan Aroukh ou Table dressée, de Joseph Karo, publié en 1567 et destiné à servir de code religieux aux Juifs.

En composant ce recueil, Karo avait pour but de mettre de l’unité dans le chaos des interprétations tamuldiques, qui variaient à l’infini, à tel point que, sur chaque cas, les rabbins pouvaient légitimement soutenir le pour ou le contre. Comme il était Espagnol, il se prononce inconsciemment, dans son ouvrage, pour les opinions des autorités espagnoles et contre les rabbins français et allemands ; il manque donc d’impartialité. On trouve aussi dans ce recueil des éléments cabalistiques empruntés aux mystiques espagnols. Mais pas plus que Maïmonide, qui avait composé dans un but analogue le Mischné Tora, il ne réussit à concilier toutes les divergences et à imposer ses conclusions. À peine son ouvrage eut-il paru qu’un jeune rabbin de Cracovie, Moïse Isserlès y ajouta des remarques contredisant en partie les décisions du Schoulhan Arouhk. Aux autorités espagnoles invoquées par Karo, Isserlès opposa l’école germano-polonaise. Par un trait d’esprit d’un goût peut-être douteux, il intitula Mappa ou Nappe ses observations sur la Table de Karo. Dans son ouvrage, Isserlès resta pourtant fidèle aux traditions de ses prédécesseurs. Déjà, par un excès de rigorisme, les Ascherides avaient présenté comme lois permanentes des aggravations qui, à l’origine, eurent un caractère provisoire. Ces lois, Karo les recueillit dans son code, et Isserlès y ajouta de nouvelles aggravations, imaginées dans les écoles polonaises. Aussi le judaïsme de la Table et de la Nappe