Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/117

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époque ait vu éclore des œuvres remarquables. C’étaient de pâles fleurs d’automne, se ressentant du manque de chaleur et de lumière, mais qui n’en formaient pas moins un heureux contraste avec la stérilité qui régnait partout ailleurs. Ce réveil poétique était dû à un membre de la branche turque de la famille si étendue des Ibn Yahya, orateur habile et agréable, qui avait réuni autour de lui un certain nombre de poètes. Plusieurs Juifs composèrent même des vers latins. C’étaient naturellement des transfuges marranes, qui avaient appris le latin en Espagne ou en Portugal. À la mort du célébrer médecin Amatus Lusitanus, qui avait dû émigrer d’Italie à Salonique et tomba victime de son dévouement pendant une épidémie, un de ses amis, le Marrane Flavio Jacobo d’Evora, écrivit son éloge en beaux vers latins.

La situation brillante que les Juifs occupaient alors en Turquie encouragea Joseph de Naxos à essayer de réaliser son idée de créer un petit État juif. Cette pensée le hantait depuis longtemps. Il n’était encore qu’un malheureux fugitif quand il demanda à la république de Venise de lui céder une de ses îles pour y établir une population juive. Sa demande ne fut pas accueillie. Une fois devenu le favori de Soliman, il se fit donner par le sultan les ruines de Tibériade et sept petits villages voisins pour y organiser une colonie juive. Il envoya alors un de ses agents en Asie, pour procéder, à la reconstruction de Tibériade. Sur l’ordre de Selim, qui était encore prince, le pacha de Syrie prêta à l’entreprise un concours actif ; il obligea les Arabes des environs à aider aux travaux. Au bout d’un an, Tibériade était rebâtie. Joseph de Naxos voulait en faire une cité industrielle, capable de lutter avec les Vénitiens ; il y fit planter des mûriers pour l’élevage des vers à soie et établir des métiers pour tisser la soie. Il fit venir également de la laine flue d’Espagne pour fabriquer du drap.

Mais Joseph ne semble pas avoir persisté dans l’exécution de son plan, et la nouvelle Tibériade ne joua aucun rôle dans l’histoire juive. Lorsqu’il eut été nommé duc de Naxos, il ne songea même pas à peupler son île de Juifs. Il est vrai qu’il ambitionnait le titre de roi de Chypre et que, dans le cas où il l’eût obtenu, il aurait peut-être fondé son État juif dans cette belle île. Mais le grand vizir Sokolli, qui n’aimait pas Joseph de Naxos, l’entrava