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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/121

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ISAAC LOURIA.

ténèbres et ses superstitions, qui commençait à l’heure où se levait en Europe l’aube des temps nouveaux. Deux hommes furent les principaux auteurs de cette funeste agitation, Isaac Louria et Hayyim Vital.

Isaac Louria Lévi (né à Jérusalem en 1534 et mort en 1572) descendait d’une famille allemande. Ayant perdu son père dès son enfance, il se rendit en Égypte auprès d’un oncle très riche, Mardokhaï Francis, fermier d’impôts, qui lui fit étudier le Talmud et la Cabbale. Louria se passionna promptement pour les idées mystiques. À l’étude aride et sèche du Talmud, qui aiguise l’esprit mais ne dit rien au cœur, il préféra les rêveries et les divagations du mysticisme. Il se sentit vivement attiré par le Zohar, que l’imprimerie répandait alors partout. À mesure qu’il s’enfonçait plus profondément dans la Cabbale, il s’isolait plus des hommes, négligeant mène sa jeune femme et ne retournant dans sa demeure que chaque jour de sabbat. Il parlait très peu, et seulement en hébreu. Louria passe pour avoir ainsi vécu dans la solitude pendant plusieurs années et se perdit de plus en plus dans le rêve et l’extase. Convaincu que le Zohar est l’œuvre de Simon ben Yohaï et qu’il contient des révélations divines, il y chercha les manifestations d’une sagesse supérieure. Dans l’ardeur de son imagination, il croyait fermement voir face à face le prophète Élie, le grand révélateur de mystères.

Comme, à ses yeux, le Zohar contenait un système philosophique dont les diverses parties présentaient de l’unité et s’enchaînaient les unes aux autres d’une façon logique, il s’efforça de faire connaître ce système. Il montra donc comment, d’après le Zohar, Dieu a créé et organisé le monde à l’aide des nombres (sefirot), comment la divinité s’est révélée sous des formes matérielles, ou comment elle s’est repliée sur elle-même pour faire sortir le fini de l’infini. Mais sa théorie de la création était si confuse, si obscure, que ses contemporains, d’après son propre aveu, n’y comprenaient rien. Cette théorie, il est vrai, ne devait servir que d’introduction à la partie pratique de la Cabale, qui avait pour lui une importance bien plus considérable et qui devait expliquer les rapports entre Dieu et la création.

Appuyé sur le Zohar, Louria prétend que les âmes représentent