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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/123

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SYSTÈME DE LOURIA.

gieux, est obligée de redescendre du ciel pour s’associer à l’âme d’un vivant pour parer ses omissions. Parfois aussi, les âmes d’hommes pieux et justes reviennent sur la terre pour soutenir d’autres âmes chancelantes et les aider à se perfectionner. Ces associations ne se produisent pourtant qu’entre âmes parentes, c’est-à-dire originaires du même organe ou de la même étincelle adamique ; seules les âmes homogènes peuvent exercer une action réciproque l’une sur l’autre, mais les âmes hétérogènes se repoussent mutuellement. D’après cette théorie, la dispersion d’Israël parmi les autres peuples a pour conséquence de sauver le monde, car les âmes purifiées de pieux Israélites s’unissent aux âmes d’autres croyants pour les rendre plus parfaites.

À côté de la transmigration et de l’association des âmes, Louria s’occupe aussi de leur sexe. Selon lui, des âmes femelles habitent parfois des corps mâles, et réciproquement. Au point de vue du mariage, il est très important que le couple qui s’unit ait des âmes qui, par leur origine et leur sexe, se conviennent. Dans ce cas, l’harmonie régnera entre les deux époux et ils auront des enfants vertueux. Dans le cas contraire, leur postérité se conduira mal et ils vivront en mauvaise intelligence. Louria se vantait aussi de posséder le secret d’évoquer les bons esprits, de les contraindre à entrer dans le corps de vivants et à révéler ainsi ce qu’ils savaient de l’au-delà. Il était convaincu que la possession de ce secret lui assurait le pouvoir d’amener le règne du Messie et de rétablir l’ordre dans le monde. Du reste, il croyait avoir lui-même l’âme du Messie et se disait chargé de délivrer son peuple. Il apercevait partout des esprits et entendait leurs voix dans le murmure de l’eau, dans le bruissement des arbres, dans le chant des oiseaux et le pétillement du feu. II voyait les âmes, au moment de la mort, se détacher des corps et s’élancer vers les hauteurs ; il les voyait aussi sortir des tombes. Grand évocateur d’esprits, grand hanteur de tombeaux, il s’entretenait fréquemment avec les personnages bibliques, talmudiques et rabbiniques, surtout avec Simon ben Yohaï, le prétendu auteur du Zohar. Pourtant, dans ses rêveries mystiques il savait conserver son sang-froid et appliquer ses sophismes de talmudiste à l’interprétation de la Cabbale.