Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/137

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Un Caraïte, Isaac ben Abraham Troki (né vers 1533 et mort en 1594), originaire de Trok, prés de Vilna, soutint aussi des controverses contre les catholiques et diverses sectes chrétiennes. Versé dans la Bible et les Évangiles, il connaissait également les ouvrages de polémique religieuse de son temps et était excellemment armé pour répondre aux nobles, aux prélats et aux autres chrétiens avec lesquels il était en relations. Peu de temps avant sa mort, il réunit ses controverses en un volume qu’il intitula : Hizzouk Emouna, Affermissement de la foi. Dans cet ouvrage, il ne se contente pas de réfuter les arguments des chrétiens contre le judaïsme, mais il prend l’offensive contre le catholicisme, montrant les contradictions et les singularités qui se trouvent dans les Évangiles et d’autres écrits des premiers chrétiens. C’est peut-être le seul ouvrage caraïte qui se lise avec intérêt. Il n’est pas précisément bien original, tous ses arguments sont empruntés à des auteurs judéo-espagnols, notamment à Profiat Duran, qui les a même exposés dans une langue bien plus élégante. Mais les livres aussi ont leur destin. Celui de Troki se propagea rapidement, il fut traduit en espagnol, en latin, en allemand et en français. Un duc d’Orléans s’imposa la tâche de le réfuter, et les adversaires chrétiens du catholicisme eux-mêmes y puisaient leurs armes.

Vers ce temps, l’esprit nouveau, qui avait jeté une lueur si vive au commencement du siècle et avait remporté d’éclatants triomphes sur les champions attardés du moyen âge, semblait avoir subi une sérieuse défaite. La papauté avait reconquis son prestige et son ancienne puissance. L’Italie, une grande partie de l’Allemagne du Sud et de l’Autriche, la France et la majeure partie de la Pologne et de la Lithuanie étaient redevenues catholiques. Dans les pays protestants mêmes, le mouvement qui s’annonçait si fécond au commencement du siècle s’était arrêté net. L’esprit de libre examen avait cédé la place, dans les communautés évangéliques, à des querelles byzantines sur des dogmes et des mots, qui donnèrent naissance à des sectes de plus en plus nombreuses. On négligeait alors complètement l’étude de la langue hébraïque, pour laquelle on s’était d’abord passionné, pour de stériles controverses. La littérature rabbinique était tombée dans un discrédit plus