Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/16

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cet ouvrage, voilà ce qui présentait surtout de l’intérêt pour les dominicains. On disait alors ouvertement en Allemagne qu’en demandant la confiscation du Talmud, les obscurants de Cologne espéraient réussir à réaliser avec Pfefferkorn une bonne affaire. Car, les exemplaires du Talmud, une fois mis sous séquestre, seraient confiés à la garde des dominicains, en leur qualité de juges de l’Inquisition, et, comme les Juifs allemands ne pourraient pas se passer de cet ouvrage, fis essaieraient sûrement d’en faire annuler la confiscation à prix d’argent. Aussi les dominicains s’acharnèrent-ils dans leurs attaques contre les juifs et le Talmud. Une année après la publication du premier livre paru sous le nom de Pfefferkorn, ils publièrent sous le même nom plusieurs autres écrits encore plus virulents, où ils déclaraient qu’il est du devoir des chrétiens de traquer les Juifs comme des animaux malfaisants. Si les princes ne prennent pas l’initiative de cette persécution, il appartient au peuple d’exiger d’eux qu’ils enlèvent aux Juifs tous les livres religieux, à l’exception de la Bible, ainsi que tous les gages, qu’ils s’emparent de leurs enfants pour les élever dans la foi chrétienne et qu’ils expulsent ceux qui se montreront récalcitrants à toute amélioration. Les seigneurs ne commettent, du reste, aucun péché en maltraitant les Juifs, car ceux-ci leur appartiennent corps et biens. En cas de refus de la part des princes, le peuple a le droit de leur imposer sa volonté par la violence et l’émeute. Qu’il se proclame chevalier du Christ et exécute son Testament. Quiconque persécute les Juifs est un vrai chrétien, mais ceux qui les favorisent sont encore plus coupables qu’eux et s’exposent à la damnation éternelle.

Heureusement, les temps étaient changés. Quoique la haine contre les Juifs fait encore aussi violente qu’à l’époque des croisades et de la Peste noire, la populace ne pouvait plus se ruer sur eux avec la même facilité pour les piller et les tuer. Les princes non plus ne se montraient pas disposés à les chasser de leurs domaines, car leur départ les eût privés d’une source importante de revenus réguliers. On ne montrait même plus beaucoup d’enthousiasme pour la conversion des Juifs, et plus d’un chrétien raillait les apostats juifs. On comparait alors volontiers, parmi les chrétiens, les Juifs convertis à du linge blanc. Tant que le