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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/15

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donner plus de poids à ses accusations contre le judaïsme, Ortuin lui octroya le titre de rabbin. De plein gré ou par contrainte, Victor de Karben, qui déplorait pourtant amèrement que le baptême l’eût séparé de sa femme, de ses trois enfants, de ses frères et de ses. amis, reprochait à ses anciens coreligionnaires de détester les chrétiens et de mépriser le christianisme. Ce fut lui qui fournit à Ortuin les éléments de l’ouvrage que ce dernier écrivit contre les Juifs et le Talmud.

À ce moment, les dominicains se disposaient à réaliser un plan préparé de longue main et qui, dans leur pensée, devait rapporter profits et honneur à leur ordre, chargé de juger les personnes et les livres hérétiques. Pour l’exécution de ce plan, ils avaient besoin d’un Juif. Victor de Karben ne pouvait pas servir, soit parce qu’il était alors trop âgé ou qu’il leur paraissait de valeur trop médiocre. Leur choix tomba sur Pfefferkorn.

Celui-ci servit une première fois de prête-nom pour un nouvel ouvrage qu’Ortuin publia contre les Juifs. Ce livre, composé d’abord par Ortuin en latin, était intitulé : Le Miroir avertisseur, et invitait les Juifs à se convertir. Il était écrit dans un langage doucereux, flattant les Juifs, déclarant calomnieuses les accusations de rapt et de meurtre d’enfants chrétiens qu’on dirigeait si souvent contre eux, et invitant les chrétiens à ne pas expulser les Juifs, chassés jusqu’alors d’une contrée dans une autre, et à ne pas trop les opprimer, puisqu’ils étaient aussi des hommes. Mais cette bienveillance n’était qu’apparente ; il s’agissait tout simplement de tâter le terrain avant d’entrer sérieusement en campagne.

Les dominicains étaient, en effet, hantés du désir de faire confisquer les exemplaires du Talmud, comme du temps de saint Louis en France. C’était déjà là le but poursuivi par le premier pamphlet de Pfefferkorn, qui cherchait surtout à rendre suspect le Talmud. Tour à tour bienveillant et injurieux, cet écrit dénonce l’usure des Juifs, leur attachement aveugle au Talmud et leur obstination à ne pas fréquenter les églises. Il conclut en engageant les princes et les peuples à s’opposer à l’usure des Juifs, à les pousser de force dans les églises pour écouter les prédicateurs chrétiens, et, enfin, à détruire le Talmud. Mettre la main sur