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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/162

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Encouragées sans doute par les dispositions hostiles que le sénat manifestait pour les Juifs, les corporations d’artisans lui demandèrent de les expulser. Elles avaient à leur tête le pâtissier Vincent Fettmilch, homme d’une très grande audace, qui se qualifiait ouvertement de nouvel Haman des Juifs. Un jour, pendant que les Juifs étaient réunis dans leurs maisons de prières (1er septembre 1614), ils entendirent d’épouvantables clameurs et des coups qui ébranlaient la porte de leur quartier. Les plus courageux d’entre eux prirent les armes pour repousser les assaillants. Il y eut des morts et des blessés des deux côtés. Mais les bandes de Fettmilch, plus nombreuses et mieux armées que les Juifs, triomphèrent. Pendant toute une nuit, elles saccagèrent le quartier juif, détruisirent les synagogues et pillèrent avec une révoltante brutalité. Bien des Juifs trouvèrent un refuge chez des chrétiens. Ceux qui n’avaient pas pu se cacher s’étaient enfuis au cimetière, s’attendant à tout instant à être massacrés. De propos délibéré, les émeutiers les laissèrent toute une journée dans l’incertitude sur leur sort. Aussi les Juifs acceptèrent-ils comme une grâce l’ordre qu’ils reçurent l’après-midi de partir de Francfort par la porte des Pêcheurs, dépouillés de tous leurs biens, au nombre de treize cent quatre-vingts.

Il se passa un temps assez long avant qu’on accueillit les réclamations des Juifs de Francfort expulsés par les rebelles. Le sénat n’avait pas de pouvoir suffisant, et l’autorité de l’empereur Mathias lui-même était méconnue. Ce ne fut qu’à la suite de troubles analogues survenus à Worms que les Juifs de Francfort reçurent satisfaction. À Worms, en effet, il se produisit également des désordres contre les Juifs, à l’instigation d’un avocat du nom de Chemnitz. Malgré les protestations du Magistrat, les corporations de la ville, conseillées et dirigées par Chemnitz, intimèrent aux Juifs l’ordre de partir de Worms. Ceux-ci furent donc contraints de quitter la ville l’avant-dernier jour de Pâque (avril 1615). L’archevêque de Mayence et le landgrave Louis de Darmstadt les autorisèrent à s’établir provisoirement dans les petites villes et les villages de leurs domaines.

À la nouvelle des événements de Worms, le prince-électeur Frédéric, ami du médecin juif, Zaccuto Lusitano, envoya de l’infanterie,