Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/189

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et, au bout de quinze ans, il se réconcilia avec la Synagogue.

Cette réconciliation ne fut pas de longue durée, car Da Costa était de caractère trop emporté pour imposer longtemps silence à ses convictions. De nouveau il déclara la guerre au judaïsme traditionnel, et de nouveau il fut appelé à comparaître devant le collège rabbinique. Ses juges décidèrent qu’il n’échapperait à une deuxième excommunication, bien plus pénible que la première, qu’en se soumettant à une pénitence solennelle. Par amour-propre il refusa de céder, et il fut mis une seconde fois en interdit.

Las de ces luttes incessantes, attristé de vivre séparé de tous les siens, il se décida à la fin à accepter la sentence des rabbins. On le mena dans une synagogue remplie d’hommes et de femmes, où il dut proclamer publiquement son repentir. Debout sur une estrade, il lut une confession détaillée de tous ses péchés, s’accusant d’avoir transgressé le repos sabbatique et les lois alimentaires, nié plusieurs articles de foi et dissuadé quelques personnes de se convertir au judaïsme. Après avoir promis solennellement de ne plus retomber dans ses erreurs, il jura de vivre désormais en bon israélite. Puis il se retira dans un coin de la synagogue, se dénuda jusqu’à la ceinture et reçut trente-neuf coups de lanière. Il s’assit alors par terre, et la sentence d’excommunication fut levée. Enfin, il dut s’étendre sur le seuil du temple, et tous les assistants enjambèrent son corps. C’était là un excès de sévérité, que les Marranes avaient emprunté à l’Inquisition.

La colère qu’il ressentit de ces traitements humiliants lui inspira la pensée de se tuer, mais, en même temps, il voulait se venger de celui qu’il considérait comme le principal instigateur de ces persécutions, son frère ou son cousin. Pour émouvoir ses contemporains et la postérité sur son sort, il mit par écrit le récit de ses souffrances, y ajoutant de vives attaques et même d’odieuses accusations contre les Juifs. Après avoir achevé son testament, il prépara deux pistolets, en déchargea un sur son parent, qu’il manqua, et se tua avec l’autre (avril 1640). Quand on pénétra dans sa demeure, on découvrit l’autobiographie qu’il avait écrite sous le titre de Spécimen d’une vie humaine,