Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/190

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et qui était une violente diatribe contre les Juifs et leur religion.

Un autre novateur hardi de ce temps fut Juda ou Léon Modena (1571-1649). Il descendait d’une famille qui, lors de l’expulsion des Juifs de France, avait émigré en Italie, et dont les membres furent à la fois très cultivés et très superstitieux. On retrouve ce trait de caractère chez Léon Modena. Dans son enfance, il fut considéré comme un petit prodige. À trois ans, il savait réciter un chapitre des Prophètes. À dix ans, il lui arriva un jour de prononcer une sorte de sermon, et, à treize ans, il écrivit un dialogue sur les avantages et les inconvénients du jeu de cartes et des dés, et composa une élégie en vers hébreux et italiens sur la mort du maire de sa jeunesse, Moïse Basoula. Mais l’homme fait ne tint pas les promesses de l’enfant ; il devint un simple polygraphe, qui ne se distingua par aucune qualité éminente. Il exerça aussi les métiers les plus variés pour gagner sa vie, se faisant tour à tour prédicateur, instituteur, officiant, interprète, copiste, correcteur, libraire, courtier, marchand, rabbin, musicien et fabricant d’amulettes. Doué d’une mémoire remarquable, il connaissait toute la littérature biblique, talmudique et rabbinique, et se rappelait aussi tout ce qu’il avait lu en latin, en hébreu et en italien. Mais la science pas plus que la poésie ne lui donnaient de véritable joie. Joueur effréné, il se trouvait toujours dans le besoin, mécontent de lui et des autres. Ce n’étaient pas ses convictions religieuses qui pouvaient lui imprimer une direction et lui donner de la force morale, car elles étaient peu solides. Foi, incrédulité, superstitions, ces sentiments opposés étaient sans cesse en collision chez lui. Ce qu’il croyait un jour, le lendemain il le combattait, et chaque fois il était sincère.

Léon Modena eut des élèves chrétiens, entre autres l’évêque français Jean Plantavit et le cabaliste excentrique Jacob Gafarelli. Des savants et des gentilshommes correspondirent avec lui et l’autorisèrent en termes flatteurs à leur dédier ses ouvrages. Il occupait en Italie une situation presque analogue à celle de Manassé ben Israël en Hollande. Dans les milieux chrétiens qu’il fréquentait comme savant et comme joueur, il entendait souvent traiter les rites juifs d’enfantillages. Au commencement, il défendait