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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/197

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troublé par le doute. On raconte que déjà à quinze ans, il manifestait ses doutes sous forme de questions embarrassantes qu’il adressait à son maître Morteira. Son scepticisme augmenta encore quand il suivit les cours d’un savant philologue, le médecin François van den Enden. En contact avec des jeunes gens chrétiens très cultivés, son horizon s’étendit bien au delà du milieu juif où il avait puisé jusque-là toutes ses croyances et toutes ses conceptions. II étudia aussi les sciences naturelles, les mathématiques, la physique, et lut surtout avec avidité les œuvres du philosophe français René Descartes.

Spinoza apprit de ce philosophe à recourir, pour la recherche de la vérité, à la seule raison, sans tenir compte de tout ce qui est conventionnel ou traditionnel. ; e principe de ne croire qu’à ce qui lui fût démontré comme vrai par le raisonnement le poussa à rompre avec la religion qu’il avait appris à aimer dès son enfance ; il ne rejeta pas seulement le judaïsme talmudique, mais dénia tout caractère divin de la Bible. Spinoza était trop probe et trop loyal pour accomplir par crainte, par habitude ou par intérêt, des pratiques auxquelles il ne croyait plus. Il était supérieur, sous ce rapport, à son maître Descartes, qui fit vœu de se rendre en pèlerinage à Notre-Dame de Lorette afin d’obtenir la protection divine pour son système philosophique, qui, en somme, aboutissait à la négation du christianisme. Pour Spinoza, les actes d’un homme devaient refléter ses sentiments et ses convictions. Dès qu’à ses yeux le judaïsme ne représentait plus la vérité. il eut le courage de n’en plus observer les prescriptions. Il cessa de fréquenter la synagogue et de célébrer le sabbat et les jours de fête, de tenir compte des lois alimentaires, et il chercha à faire partager ses idées à ses élèves.

Les chefs de la communauté d’Amsterdam, si fiers de la haute intelligence du jeune Spinoza, furent profondément affligés des manifestations de sors incrédulité. Craignant qu’il ne se convertit au christianisme et ne tournât contre sa propre religion les merveilleuses facultés dont il était doué, il leur parut urgent de prendre des mesures de préservation. Cette désertion les attristait d’autant plus qu’ils voyaient encore toujours accourir d’Espagne et de Portugal des fugitifs qui abandonnaient de belles