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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/196

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excepté envers leurs propres coreligionnaires. » Luzzato n’indique que d’une façon confuse ce qu’il pense du judaïsme rabbinique, mais il se déclare franchement l’adversaire de la Cabbale.


CHAPITRE IX


Baruch Spinoza et Sabbataï Cevi
(1666-1678)


Les quatre penseurs dont il vient d’être question, Uriel da Costa, Léon Modena, Delmedigo et Simon Luzzato, avaient manifesté avec plus ou mains de vivacité leur hostilité contre le judaïsme de leur temps. Mais, malgré leur intelligence, leur savoir, leur talent oratoire, ils n’exercèrent que peu d’influence sur leurs contemporains et ne purent introduire la moindre modification dans le culte. Cette époque produisit, par contre, deux autres personnalités, de tendances, d’esprit et de caractère absolument opposés, dont l’une représentait en quelque sorte la raison et l’autre l’extravagance ; et qui portèrent tous deux au judaïsme des coups très sensibles.

Le plus illustre des deux est Baruch Spinoza (né en Espagne en 1632 et mort en 1677), qui fut peut-être l’esprit le plus remarquable de son temps. Instruit dans la Bible et le Talmud par deux rabbins d’Amsterdam, le célèbre Manassé ben Israël et Morteira, Spinoza trouva bientôt ces études insuffisantes et chercha à étendre son savoir. Il se mit alors à étudier les œuvres des penseurs juifs, dont trois surtout exercèrent sur lui un puissant attrait : Abraham ibn Ezra, par sa hardiesse de pensée ; Maïmonide, par le système qu’il établit pour concilier la foi et la science, le judaïsme et la philosophie, et enfla Hasdaï Crescas par sa haine, dans le domaine de la spéculation, contre les idées toutes faites. À mesure qu’il acquérait de nouvelles connaissances, son esprit, passionné pour la clarté et la vérité, se sentit de plus en plus