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Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/199

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théâtre, et tenta de le poignarder. Spinoza partit alors d’Amsterdam pour se rendre auprès d’un de ses amis qui, s’étant séparé de l’Église calviniste, était également en butte aux vexations de ses anciens coreligionnaires et s’était établi dans un village entre Amsterdam et Oudekerk.

Quand les rabbins se furent convaincus que Spinoza ne se réconcilierait pas avec la Synagogue, ils se décidèrent à l’excommunier. Ils lui appliquèrent la peine d’excommunication la plus grave (hérem), et ils en lurent la formule à la synagogue, en langue portugaise, du haut de la chaire, les portes de l’arche sainte toutes grandes ouvertes, le jeudi 27 juillet 1656 (6 ab). Le principal effet de cette sentence fut de l’isoler, de faire le vide autour de lui, de mettre ses ouvrages en interdit et d’empêcher ainsi les jeunes gens israélites de suivre son enseignement.

Spinoza accueillit avec une calme indifférence la nouvelle de la sentence prononcée contre lui. Ils me condamnent, se contenta-t-il de dire, à ce que je voulais faire de mon plein gré. Il en résulta quand même des ennuis pour lui. Les représentants de la communauté portugaise demandèrent, en effet, aux autorités de la ville de le bannir à tout jamais d’Amsterdam. On dit que les théologiens, consultés par les magistrats, furent d’avis de lui interdire le séjour d’Amsterdam pendant quelques mois. Ce fut probablement cette intervention des autorités civiles qui engagea Spinoza à écrire un mémoire justificatif, où il déclarait qu’il n’avait transgressé aucune loi de l’État et qu’il usait de son droit strict en méditant sur la religion de ses aïeux et sur les religions en général et en faisant connaître le résultat de ses méditations. En rédigeant ce mémoire, Spinoza conçut l’idée d’examiner d’une façon complète la question de la liberté de penser, et il posa ainsi les fondements de ses œuvres immortelles. Dans la retraite où il s’enferma (1656-1664), et où il gagna sa vie à polir des verres de lunettes, il étudia la philosophie de Descartes et prépara son Traité théologico-politique. Avant tout, il voulait démontrer que la liberté de penser, loin de nuire à la religion ou à l’État, contribuait, au contraire, à les consolider.

Pourtant, Spinoza admettait certains principes qui lui rendaient difficile la défense de la liberté de penser. Il comparait jusqu’à