Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/200

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un certain point les hommes aux poissons de la mer et aux vers de la terre, qui n’ont pas de maître, et il ajoutait que les plus grands des poissons ont le droit non seulement d’avaler l’eau, mais aussi de dévorer les petits, puisqu’ils en ont le pouvoir. D’après lui, le droit de chacun s’étend jusqu’où s’étend sa puissance, le droit naturel ne reconnaissant ni justice, ni injustice, ni bien, ni mal, ni dévouement, ni violence. Comme cet état de nature a pour conséquence nécessaire l’état de guerre perpétuelle entre tous les êtres, les hommes se sont entendus tacitement pour renoncer à leur droit primitif et en armer la collectivité, l’État. L’État possède donc les droits de tous, parce qu’il possède la puissance de tous. Dans son propre intérêt, chacun doit obéissance absolue à l’État, même s’il reçoit l’ordre de commettre un meurtre, et la rébellion n’est pas seulement passible d’un châtiment, mais elle est contraire à la raison.

Dans la doctrine de Spinoza, le pouvoir de l’État s’étend aussi bien sur les choses religieuses que sur les affaires civiles. Autrement, il serait loisible à chacun, sous prétexte de religion, de saper les fondements de l’État. Donc, l’État seul a le droit de décider ce qui est orthodoxe et ce qui est hérétique. Mais, dès que l’État est affaibli et devenu impuissant, on peut lui refuser obéissance et se soumettre au nouveau pouvoir.

Après avoir ainsi accordé à l’État puissant le droit d’être intolérant et autorisé la rébellion envers l’État affaibli, Spinoza arrive presque à se prononcer contre le droit d’exprimer librement ses opinions. Il déclare, en effet, ennemi de l’État quiconque parle conté lui ou cherche à le faire haïr. Ce n’est que par un artifice de sophiste qu’il réussit à sauver la liberté de lui, tout homme a reçu de la nature le droit de raisonner librement et de juger librement, et c’est le seul droit qu’il ne peut pas abandonner à l’État. Chacun doit pouvoir différer d’opinion avec l’État, parler et enseigner en toute liberté, pourvu qu’il agisse avec prudence et réflexion, sans colère et sans haine. C’est par cette faible argumentation que Spinoza justifiait ses attaques contre le judaïsme et la Bible. Son antipathie pour ses coreligionnaires et leur culte était telle que son jugement, si clair d’ordinaire, en était complètement obscurci. À l’exemple de Da Costa, il appelait les