Page:Graetz - Histoire des Juifs, A. Lévy, tome 5.djvu/203

La bibliothèque libre.
Cette page n’a pas encore été corrigée

jeune dans l’armée, il se montra très brave, fut décoré de l’ordre de San Miguel et nommé capitaine. Ce soldat savait aussi manier la plume, et, sots son nom de poète d’Antonio Enriquez de Gomez, il écrivit une vingtaine de comédies, dont quelques-unes furent représentées avec succès au théâtre de Madrid et mises en parallèle avec celles de Calderon. Mais, ni sa vaillance militaire ni son talent d’écrivain ne purent le protéger contre l’Inquisition ; il chercha son salut dans la fuite. Pendant quelque temps, il résida en France, où sa Muse chanta Louis VIII, la reine, le puissant ministre Richelieu et d’autres personnages influents de la cour. Il composa aussi des élégies sur ses souffrances et sur la perte de sa patrie, qu’il continuait d’aimer comme un fils, bien que le fanatisme l’en eût chassé. En France, il vivait en chrétien, mais témoigna sa prédilection pour le judaïsme en célébrant en vers le martyre de Lope de Vera y Alarcon. À la fin, il se rendit également en Hollande, où il put pratiquer en toute sécurité le judaïsme ; il fut brûlé en effigie à Séville.

Outre les nombreuses poésies profanes qu’il composa, Enriquez Gomez écrivit aussi un poème épique juif sur le juge Samson. Déjà avant lui, un poète espagnol, Miguel Silveyra, avait composé le poème des Macchabées, qui eut beaucoup de succès. Dans son Samson Nazareno ou Samson le Nazaréen, son héros, qui se vengea des Philistins au moment de mourir, exprime les sentiments qui agitaient son propre cœur. Il dit à Dieu :

Je meurs pour tes livres, pour ta religion,
Pour tes doctrines et tes saintes prescriptions,
Pour la nation que tu t’es choisie.
Je meurs pour tes sublimes vérités.

Les deux Penso, le père et le fils, occupaient également parmi les réfugiés marranes d’Amsterdam une place distinguée, l’un par ses richesses et sa bienfaisance, l’autre par son talent poétique. Ce fut le fils, Felice ou Joseph Penso, appelé aussi de la Vega (né vers 1650 et mort après 1703), qui se consacra à la poésie. À l’âge de dix-sept ans, il reprit les traditions des poètes néo-hébreux, qui étaient restés si longtemps sans successeur. Il eut même le courage d’écrire un drame en hébreu ; il l’intitula Assirè ha-Tikva,